Éditorial- France : le gouvernement Barnier tombe, et après ?
Ce qui devait se produire, s’est produit : l’extrême gauche et le Rassemblement national ont fini par additionner leurs voix pour faire tomber le gouvernement Barnier.
Désormais renversé, Barnier doit accomplir un acte formel : présenter sa démission et celle de son gouvernement au président de la République, et assurer les affaires courantes le temps qu’un nouveau premier ministre soit nommé pour former un nouveau gouvernement.
Les choses devraient aller très vite.
Que va-t-il se passer ensuite , sachant que, après cette dissolution, la composition de l’Assemblée nationale va rester la même et que le déficit budgétaire de la France va sûrement être le même . La France est-elle retombée, comme sous la IVè République, dans un régime mortifère, celui des partis, personne n’ayant une majorité absolue ?
Il ne peut pas y avoir de dissolution de l’Assemblée nationale avant l’été 2025. Un autre Barnier va succéder à Barnier. Qui ? Des noms circulent. Sébastien Lecornu, ministre de la Défense, soutien fidèle de Macron, est le plus cité. On parle aussi de François Bayrou, président du MODEM, de David Lisnard, le maire LR de Cannes. Aucun nom de gauche n’est avancé. L’hypothèse d’un Premier ministre venant de la gauche n’est pas la plus plausible. Quant à un Premier ministre venant de LFI, il pourrait être immédiatement censuré par le bloc central et le RN.
Toutefois , en politique, ce qui est annoncé à telle heure n’est plus vrai dans l’heure qui suit. « Wait and see », diraient les Anglais avec le flegme qui les caractérisent.
« Wait and see », se dit Macron, qui, s’il est responsable politiquement de la situation, n’’est pas responsable institutionnellement, puisqu’il n’est pas tenu de démissionner.
Macron peut nommer très vite un Premier ministre issu du centre droit ou de la Droite républicaine. Ce Premier ministre sera-t-il capable de réunir une coalition capable de gouverner et de durer, au moins jusqu’à la prochaine dissolution, c’est-à-dire dans 6 mois.
Il existe bien un brouillard politique, mais les institutions de la Vè République sont solides et il n’existe pas de brouillard institutionnel.
Il faut replacer l’instabilité politique qui existe aujourd’hui en France dans un contexte plus général, celui de l’instabilité politique qui existe en Europe et dans de nombreux pays dans le monde.
Cette instabilité politique, qui est révélatrice des fractures qui existent dans toutes les sociétés occidentales, aggrave le contexte de forte conflictualité qui caractérise le nouvel ordre mondial en train de se construire.
L’Afrique doit regarder de près ce qui se passe dans le monde, notamment en France. L’affaiblissement de la France représente, pour certaines puissances étrangères, une opportunité qui leur permet de mettre en œuvres des projets expansionnistes, notamment en Afrique.
La nature a horreur du vide. Dans les relations internationales, lorsqu’une place se libère, elle est immédiatement occupée par une autre puissance.
Je ne suis pas inquiet pour la France, dont l’économie est suffisamment diversifiée et solide. Les marchés financiers, pour l’instant, ne sanctionnent pas la France.
En revanche, j’entends l’inquiétude des pays africains, lorsque les crises financières que connaissent les pays riches peuvent entraîner des conséquences. Dans son budget 2025, la France avait prévu de réduire encore drastiquement son Aide Publique au Développement. Le projet de loi de finances pour 2025, qui avait été présenté le jeudi 10 octobre, prévoyait une baisse de plus de 20 % sur l’aide qui vise à soutenir les pays et les populations les plus vulnérables.
L’Afrique est toujours impactée par les situations politiques dans le monde comme l’a montré la guerre en Ukraine. L’erreur serait de croire que ce qui se passe en France, ou en Europe, ou aux Etats-Unis ne concerne absolument pas les États africains.
Lorsque Michel Barnier présentera sa démission ce jeudi 6 décembre 2024, nous continuerons de suivre de près ce qu’il va se passer , en posant cette question lointaine et un peu naïve peut être : et si le président Emmanuel Macron allait au delà de l’alliance de circonstance entre la gauche et son extrême d’une part , et d’autre part le Rassemblement national, pour oser et innover , pour briser le tabou et proposer un accord clair et non louvoyant avec le Rassemblement national ? Qui vivra verra !
Par Wakili Alafé