5e jour du procès contre Amadé Ouérémi, un témoin à la barre le mercredi : “À Duekoué Carrefour, l’Onuci a inhumé 198 corps, après le passage des hommes d’Amadé Ouérémi”
« Lorsque nous nous sommes rendus au quartier Carrefour le 31 mars 2011, au lendemain du massacre, tous les hommes en armes que nous y avons rencontrés c’étaient les hommes Amadé Ouérémi. (…) Ce jour là, les forces de l’Onuci (Opération des nations unies en Côte d’Ivoire. Ndlr) ont rassemblé et inhumé 198 corps », ces mots sont ceux d’un témoin anonyme contre Amadé Ouérémi, le mercredi 7 avril 2021 devant le tribunal de première d’Abidjan Plateau, dans l’affaire tueries à Duekoué Carrefour en mars 2011.
Présenté par le procureur comme un témoin clé dans l’affaire, il a accusé le chef milicien d’être l’auteur de cette tuerie de masse survenue dans les heures qui ont suivi la prise de la ville de Duekoué par les Forces pro-Ouattara, pendant la crise post-électorale de 2010-2011.
« C’était un vrai carnage. Les corps étaient tous des vieillards. Nous avons trouvé le corps du Pasteur Doué, Pasteur de l’église du Christianisme et 25 de ses fidèles tués. Il y a également eu 36 fidèles de l’église Jésus-Sauveur tous tués. (…) C’était des tueries systématiques de personnes, principalement les hommes, sans armes ni défense. La veille, j’avais vu Amadé Ouérémi à la Sous-préfecture se venter avec ses hommes d’avoir nettoyé le quartier Carrefour. Il dit qu’il n’y avait plus de survivants. Et que, ceux qui ont eu la vie sauve sont ceux qui ont réussi à prendre la clé des champs », a-t-il ajouté dans un témoignage aussi long qu’accablant.
Le témoin caché n’a pas été tendre avec Amadé Ouérémi. Selon lui, le quartier Carrefour était reconnu comme abritant les milices qui constituaient le supplétif des forces fidèles à Laurent Gbagbo. Ceux-ci ayant fui après la prise de la ville par les forces pro-Ouattara, Amadé Ouérémi aurait alors profité de l’occasion pour attaquer les populations restantes, par représailles. Car, selon lui, l’homme en voulait aux miliciens pro-Gbagbo pour des sévices qu’ils faisaient subir aux populations allogènes Burkinabé qui descendaient du mont Peko pour se rendre en ville.
« Comme je ne suis pas ivoirien, je vois qu’on m’a piégé pour me faire porter le chapeau»
Des accusations, images à l’appui, qui ont régulièrement sorti Amadé Ouérémi de sa réserve. Dans un premier temps, le Chef milicien a dit n’avoir pas combattu en 2011. Il a juré à qui veut l’entendre. « Je le jure sur tout ce que j’ai, je n’ai pas combattu durant l’année 2011. Je sais que je suis Burkinabé, mais depuis que je suis né, je ne bois que l’eau de votre pays la Côte d’Ivoire. Si ce que je dis là est faux, que je ne finisse pas cette année. Nous avons un Dieu au-dessus de nous tous, il faut le craindre. Je vous jure que je n’ai fait aucun combat en 2011 », a-t-il juré, avant dire ceci. «Moi, je n’ai pas de troupes. J’étais même sous une sorte de commandement de Coul ( Il s’appelle Ouattara Karamo, c’est un militaire. Précise le juge). Le témoin parle de personnes qui seraient les hommes. Ce ne sont pas les hommes. Nous sommes tous sous le commandement de Coul. Alors, si c’est le procès de la rébellion ivoirienne que nous sommes là, je préfère qu’on appelle ici tous ceux-là. Parce que, j’ai l’impression que, comme je ne suis pas ivoirien, je vois qu’on m’a piégé pour me faire porter le chapeau. Je comprends maintenant pourquoi on me photographiait chaque fois que je faisais une apparition publique à Duekoué. Or, c’était pour me présenter comme un chef de milice, criminel et sanguinaire. Je comprends enfin », s’est-tenu à se défendre Amadé Ouérémi.
Mais le témoin a soutenu que Amadé était effectivement maître dans le mont Peko et y faisait régner sa loi. Selon lui, ce dernier ne recevait d’ordre de personnes. « Aux heures de la rébellion, comme le Mont Peko est situé dans la zone de confiance, Amadé Ouérémi ne recevait d’ordre de personnes. Il avait plutôt des amis de part et d’autre de la ligne de front. C’était un chef de guerre. Il disait que, même le président Alassane Ouattara, ni le Commandant Losseni Fofana dit Loss ne pouvait le chasser du Mont Peko », a insisté le témoin. Ce dernier a même brandi des images du chef de milice prenant des poses avec ses armes de guerre.
Il a également présenté ses images de combattants présentés comme ses lieutenants. Amadé Ouérémi a rejeté toutes ces accusations.
J-H Koffo