Sport

Entretien – Me Ali Diomandé (chef de file de la dissidence ) : « Voici nos réponse au mémorandum de Jean Marc Yacé »

Des irrégularités ont été signalées concernant la convocation de l’assemblée générale extraordinaire du 19 octobre 2024 par le Président élu de la Fédération Ivoirienne de Taekwondo, Me Jean Marc Yacé. Ces irrégularités concernent principalement le non-respect des procédures statutaires. Dans cet entretien, Me Ali Diomandé, président désigné par 175 membres statutaires pour diriger le Comité Directeur de Transition de la Fédération Ivoirienne de Taekwondo (FITKD), affirme pourtant que les procédures statutaires ont été respectées. Il aborde également les raisons profondes du désaccord avec le Comité Directeur présidé par Me Jean-Marc Yacé.

Selon le comité directeur dirigé par Me Jean Marc Yacé, la demande de convocation pour ´’assemblée Générale Extraordinaire doit être adressée au Président de la FITKD. Avez-vous adressé une correspondance dans ce sens ?

Cet argument dénote d’une mauvaise lecture des textes de la Fédération et partant d’une méconnaissance du Droit commun en matière d’Association. S’agissant des textes de la FITKD, il faut se référer aux dispositions de l’article 20 du Règlement Intérieur. Cet article prévoit en son alinéa 2 les personnes pouvant prendre l’initiative de convoquer une Assemblée Générale Extraordinaire. L’alinéa 2 dispose qu’en outre, l’Assemblée Générale peut se réunir en session extraordinaire:

– Sur l’initiative soit du Président ;

– A la demande des 2/3 des Membres du Comité Directeur ;

– A la demande motivée de la majorité absolue des Associations de base en règle de leurs obligations fédérales au cours de la saison sportive. Il ne ressort nulle part à la lecture des dispositions de cet article 20 que la demande de convocation de l’Assemblée Générale doit être adressée au Président de la Fédération. Les textes de la Fédération ne le disent pas. À partir du moment où les Statuts ne le disent pas, il faut se référer au Droit commun des Associations.

En Droit des Associations, en cas de dysfonctionnement ou de blocage par la Direction de l’Association, les Associations de base peuvent invoquer le principe général de la démocratie interne des Associations selon lequel les Membres disposent du droit de convoquer une réunion extraordinaire si la gouvernance est défaillante et ne répond plus aux attentes.

Au sujet du fonctionnement démocratique des Associations sportives, la Loi ivoirienne n°2014-856 du 22 Décembre 2014 relative au sport dispose en son article 9 l’obligation pour les Associations sportives de garantir dans leurs Statuts le fonctionnement démocratique ainsi que la transparence dans la gestion administrative et financière de l’Association.

En d’autres termes, le législateur ivoirien conscient de l’importance du fonctionnement démocratique au sein des Associations en consacre le principe dans la Loi relative au sport. Il est important de rappeler le contexte dans lequel l’Assemblée Générale Extraordinaire du 19 octobre 2024 est intervenue convoquée par la majorité absolue des Associations de base en règle de leurs obligations envers la FITKD : 175 signataires sur 316. L’ex-Président de la Fédération, sur une décision unilatérale et autocratique a dissout son Comité Directeur. Le Comité Directeur de la Fédération, il faut le rappeler, est composé de tous les vice-Présidents, du Secrétaire général, du Trésorier et de son adjoint ainsi que des Directeurs techniques et Présidents des Commissions spécialisées.

Par l’effet de cette décision de dissolution la Fédération s’est retrouvée amputée de tous ses organes dirigeants et opérationnels. Il ne restait que le Président de la Fédération seul. On est dans un contexte et une situation grave, exceptionnelle et inédite. Et c’est dans une situation pareille que l’ex-Président souhaite que la demande motivée des Membres Statutaires de l’Association pour la tenue d’une Assemblée Générale Extraordinaire lui soit adressée. Il est évident qu’il n’y va donner aucune suite. Il y a déjà eu des cas dans la vie de la FITKD depuis que Monsieur Jean Marc Yacé a été élu Président.

En Janvier 2024 face à la non organisation de l’Assemblée Général Ordinaire annuelle qui est statutairement et légalement obligatoire et bien d’autres violations de nos textes statutaires et réglementaires, une demande lui a été adressée par les Membres de l’Association. Il a méprisé ces demandes et n’a jamais donné de suite à ces demandes.

Ces situations ont été portées, par courrier en date du 23 Janvier 2024, à la connaissance du Ministre Délégué chargé des Sports et du Cadre de Vie et du Comité National Olympique de Côte D’Ivoire.

Il y a donc eu un précédent de demande des Membres Statutaires pour la tenue d’une simple AGO statutaire que cet ex-Président a ignoré et méprisé.

Fort de tout ce qui précède, il est mal venu aujourd’hui à réclamer que la demande des Membres Statutaires remplissant la condition de majorité absolue pour la convocation de l’AG Extraordinaire du 19 octobre 2024, ne lui ait pas été adressée.

Pour finir, il faut retenir sur ce point que les textes de la FITKD ne font aucune obligation aux Membres Statutaires qui remplissent la condition de majorité absolue d’adresser leur demande au Président.

Les membres ici ont usé du droit de convoquer une Assemblée Générale Extraordinaire que le droit en matière Associative leur reconnaît lorsque la gouvernance de l’Association est défaillante comme ce fut le cas en l’espèce.

Cependant, il apparaît que le délai de 21 jours n’a pas été respecté?

L’ex-Président de la Fédération prétend dans son mémorandum que le délai de 21 jours et le contrôle de la qualité des participants de l’Assemblée Générale n’ont pas été observés. Ce qui entacherait l’AGE du 19 octobre d’irrégularité. Toujours selon lui, le contrôle de la qualité des participants serait du ressort du Comité Directeur. En ce qui concerne le délai, la pétition des membres portant demande d’une Assemblée Générale Extraordinaire a été signée par la majorité absolue (175/316) des Associations de base en règles de leurs obligations, le 20 septembre 2024.

Cette demande motivée a fixé la date de l’Assemblée Générale Extraordinaire au 19 octobre 2024. Entre le 20 septembre et le 19 octobre, il s’est écoulé plus de 21 jours de façon factuelle. Mais en plus, il est constant en Droit des Associations, que le délai de convocation d’une Assemblée Générale peut ne pas être respecté lorsqu’il s’agit de la convocation d’une Assemblée Générale Extraordinaire motivée par l’urgence et des circonstances exceptionnelles.

La jurisprudence des Tribunaux et des Cours est constante et fort bien établie sur cette question. Dans le cas de la FITKD, l’urgence et les circonstances exceptionnelles étaient à elles seules de nature à justifier la tenue de cette AG extraordinaire.

En effet les manquements graves et répétés aux Statuts et Règlements Intérieurs du Président et de son Comité Directeur , notamment la non organisation d’AGO depuis 2 ans, les empêchements faits aux Commissaires aux comptes d’exercer leur pouvoir de contrôle sur la gestion financière de la Fédération, les cas d’allégations de harcèlements sexuels et d’abus d’autorité sur des athlètes féminin et surtout mineurs où l’on constate la complaisance et la non réaction ferme du Président et de son Comité Directeur, le vide organisationnel créé par la décision autocratique de dissoudre tout le Comité Directeur, justifient amplement l’urgence et les circonstances exceptionnelles.

S’agissant du contrôle de la qualité des participants à l’AGE, du quorum etc qui seraient du ressort du Comité Directeur, il convient de faire observer ceci :

Au regard des dispositions de l’article 20 du Règlement Intérieur cela n’est prévu qu’en ce qui concerne l’AGO (Assemblée Générale Ordinaire). S’agissant d’un AGE, les textes de la Fédération sont muets.

Par ailleurs, il est dérisoire de soutenir cela quand on sait que le Comité Directeur était dissout par lui au moment de la tenue de l’AGE. Il n’y avait donc pas de Comité directeur en place. Il ne peut soutenir une telle ineptie au risque de se prévaloir de sa propre turpitude.

L’Assemblée générale extraordinaire avait-elle vocation à destituer le président élu de la fédération ?

Il est de principe que l’ordre du jour d’une AG ordinaire comme d’une AG extraordinaire doit être prédéfinis dans les Statuts de l’Association.

Dans le cas de la FITKD, les textes n’ont pas prédéfini l’ordre du jour d’une AG Extraordinaire .Lorsque les textes sont muets, la jurisprudence admet que l’AG Extraordinaire peut statuer sur tous les cas d’urgence ou exceptionnels qui compromettent la survie ou le bon fonctionnement de l’association.

S’agissant du cas en l’espèce, il serait plus approprié d’utiliser le terme révocation plutôt que celui de destitution. L’AG Extraordinaire du 19 octobre 2024 a, à la majorité écrasante de ses Membres, révoqué le mandat de M. Jean Marc Yacé, mandat que cette même Assemblée lui avait accordé lors de son élection le 15 octobre 2022. Le mandat ainsi qu’il ressort du Droit commun des mandats est révocable « ad nutum », c’est-à-dire à tout moment, par le mandant. Ici le mandant est l’Assemblée Générale, organe suprême et souverain de la FITKD. Le souverain a donné, le souverain a repris. La révocation ainsi intervenue est amplement justifiée et bien fondée en droit.

Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 19 octobre 2024, le ministère des Sports ainsi que le Comité National Olympique n’ont pas été invités. Cette absence a été mise en avant par le président de la Fédération comme un argument pour contester la validité de cette assemblée.

Sur cette question, il faut faire observer qu’il s’agit d’une simple invitation de ces Institutions en qualité d’observateurs. Leur non présence n’invalide pas les délibérations de l’Assemblée, ou encore n’entache pas d’irrégularité formelle la tenue de l’Assemblée Générale. Plusieurs fois dans la vie de la FITKD, ces Institutions ont été invitées, mais n’ont pas effectué le déplacement. Cela n’a pas entaché pour autant d’irrégularité la tenue de l’Assemblée Générale. Cet argument évoqué par l’ex- Président dans son mémorandum souffre d’une impertinence en Droit.

Ange Kouadio

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