Dossier – Felix Kouamé , Pulchérie Gbalet, Ebrin Yao, N’Faly Soumahoro et Geoffroy Kouao contre la non-application du décret présidentiel sur l’interdiction de l’usage du plastique dans les emballages
Félix Kouamé , Pulchérie Gbalet, Ebrin Yao, N’Faly Soumahoro et Geoffroy Kouao disent non à la non-application du décret président de la République Alassane Ouattara portant interdiction de l’usage du plastique dans les emballages.
En Côte d’Ivoire, des acteurs bien connus de la société civile et d’associations de consommateurs refusent d’être complices, de la non-application du décret présidentiel portant interdiction de l’usage du plastique dans l’emballage en Côte d’Ivoire. Ainsi, alors que certains choisissent de parler entre quatre murs, Felix Kra , Pulchérie Gbalet, Ebrin Yao, N’Faly Soumahoro et Geoffroy Kouao réagissent et disent ce qu’ils en pensent. Ils sont conscients des dangers, et disent non à la situation.
Kouamé Kra Félix se sent concerné et déplore la situation.
Kouamé Kra Félix est le Secrétaire Général Confédéral de la FESACI-CG. Il est également membre du conseil national du développement durable (CNDD). Réagissant à des données qui font état de ce que 20% des plastiques produits dans le monde, soit 92 millions de tonnes, sont dispersés dans la nature et finissent sous forme de microplastiques dans les cours d’eau puis dans l’océan, il affirme que de nombreuses autres études menées par des chercheurs, scientifiques, universitaires, spécialistes du système des Nations-Unies et des ONG, diffusées par les médias, présentent les méfaits des activités humaines sur les écosystèmes aquatiques et marins. Il rappelle les travaux du Commandant Cousteau et de GREENPEACE, dont la portée a touché le grand public. Selon lui, les dégradations de l’environnement sont nuisibles à l’humanité. « À terme, c’est la survie de l’humanité qui est menacée », fait-il savoir. Face à la situation, il estime qu’il n’existe pas une réelle lisibilité dans les dispositifs.
Un bilan sérieux est à faire
« A-t-on fait le bilan de la politique d’interdiction des sachets plastiques avant de se perdre dans la confusion des dérogations et des rétropédalages ? Bien qu’étant membre de la Commission Nationale du Développement Durable (CNDD), j’ai l’impression qu’aucune véritable stratégie de dépollution n’est en vigueur en ce moment. Les déchets plastiques ont repris leur vie d’antan. Tout le monde est devenu amnésique ; les priorités semblent être ailleurs », a-t-il noté. En sa qualité de responsable syndical siégeant dans des instances internationales dont l’objectif est le bien-être social, notamment pour la thématique Sécurité et Santé au Travail (SST), et en tant que membre du CNDD, il dit mesurer amplement les dangers que représentent la production et l’usage désordonnés et incontrôlés des matières plastiques dans l’industrie et l’économie informelle. À cet titre, il reconnaît qu’il existe un laxisme inquiétant, qui est un réel abandon d’une véritable politique de prise en compte de la dimension environnementale dans le développement. « Pour preuve, le CNDD n’a pas de budget, ce qui empêche cet organisme de fonctionner. Tenez-vous bien, la dernière réunion de cet organisme a eu lieu en décembre 2022. J’interpelle le gouvernement, les deux chambres du Parlement, surtout le Sénat, dont les études environnementales font partie des prérogatives. Elles sont destinées à déterminer les progrès économiques et sociaux et leur durabilité. J’interpelle également le CESEC (Conseil économique, social, environnemental et culturel), organisme chargé de formuler des recommandations au gouvernement sur le vécu quotidien des populations, notamment l’impact de toute activité humaine sur la vie des citoyens », explique le syndicaliste.
Chacun renvoyé à ses responsabilités
Interrogé sur ce qu’il compte faire pour que les choses bougent, Kouamé a conseillé de s’en remettre aux ministères en charge de la question environnementale (Assainissement – Salubrité, Environnement, Eaux et Forêts, Hydraulique), mais aussi au ministère de l’Industrie et du Commerce. Dans cette perspective, il dit attendre de voir concrètement les résultats des concertations reprises et relancées dernièrement par les ministres Jacques Assahoré Konan et Souleymane Diarrassouba. Il souhaite des décisions fortes, des mécanismes pour obtenir un ou des schémas systémiques de protection de l’environnement et du traitement des matières plastiques dans leur ensemble.
Ben N’Faly Soumahoro, président de la Fédération ivoirienne des consommateurs « Le Réveil », n’était pas d’accord à l’époque
Président de la Fédération ivoirienne des consommateurs « Le Réveil », Ben N’Faly Soumahoro estime que les décideurs publics et privés se réunissent à tout moment pour discuter du changement climatique et de ses conséquences, et pour faire des propositions. Il constate cependant que malheureusement, rien n’a été fait en faveur de la population. « C’est l’Afrique qui est victime de cette chaleur. Les décideurs sont impuissants face aux industriels. Tous les gouvernements du monde sont soumis au diktat des opérateurs économiques. Quand vous prenez le tabac, par exemple, tout le monde sait que c’est dangereux pour la santé, mais on n’ose pas interdire le tabac. On se contente, de temps en temps, d’ajouter 5 FCFA sur les taxes, qui bénéficient aux caisses de l’État et non aux populations. C’est un cri du cœur. Récemment, nous avons découvert des milliers de poissons morts à Abidjan, dus aux déchets industriels. Au début, je faisais partie de ceux qui s’opposaient à ce décret interdisant les sachets plastiques, mais j’ai été convaincu de son impact sur l’environnement, la santé. Cependant, je me suis rendu compte que ceux qui ont pris cette initiative avaient des intentions autres que la protection des populations. Quand on interdit un produit, ce produit doit effectivement être interdit. On ne prend pas des décrets ou des arrêtés pour offrir une porte de sortie. Ce décret d’interdiction des sachets plastiques doit être intégralement appliqué.
Rencontrer les autorités pour demander de mettre fin au laxisme
Alors que des sachets plastiques circulent en ville, on est obligé de payer des emballages dits Bio dans les supermarchés. Pourtant, les usines qui fabriquent des sachets plastiques continuent de fonctionner. En ce qui nous concerne, nous allons adresser un courrier au ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, et au ministre du Commerce et de l’Industrie, dès la semaine prochaine, pour que la production et la commercialisation du sachet plastique soient interdites. Le ministre de l’Environnement a convoqué une réunion pour comprendre pourquoi le décret de 2013 n’est pas appliqué, mais nous n’étions pas présents à cette réunion. Nous allons le rencontrer pour exprimer notre position et protester contre le laxisme dans l’application de ce décret », a réagi Ben N’Faly Soumahoro.
Pulchérie Gbalet est préoccupée par la situation et est prête à prendre ses responsabilités
La présidente de l’ONG Alternative citoyenne ivoirienne, Pulchérie Gbalet, est préoccupée par les questions environnementales, notamment la pollution plastique. Connu pour ses combats en matière de droits de l’homme et de lutte contre la corruption, l’activiste semble considérer que la question de la pollution par les plastiques est en cohérence avec ses prises de position habituelles. Pour elle, la situation est très préoccupante, d’autant plus qu’il a récemment été découvert des poissons morts sur la baie de Koumassi. Elle estime que la pollution par les déchets plastiques a des impacts très étendus, notamment sur l’environnement physique, étant donné qu’ils ne sont pas biodégradables, ainsi que sur les animaux en particulier. « Il est mentionné que certains animaux meurent après avoir ingéré des déchets plastiques. Plus de 1,5 million d’animaux marins meurent chaque année à cause de la pollution plastique, dont 100 000 mammifères marins. La pollution plastique détruit également les habitats de certains animaux et a un impact négatif sur la chaîne alimentaire d’autres animaux », souligne Pulchérie Gbalet.
Ça pêche dans l’application et le suivi de bonnes décisions
Concernant la difficulté d’appliquer le décret de 2013 sur l’interdiction des emballages plastiques, elle affirme ne pas avoir d’informations sur les raisons ni sur les nombreuses dérogations, ajoutant ceci : « Ce que je sais, c’est que nos gouvernants prennent très souvent de bonnes décisions, mais pèchent dans le suivi de leur application. Et ce problème existe malheureusement dans tous les secteurs d’activités. » Elle déplore ensuite la corruption dans l’administration qui, selon elle, entrave les missions de contrôle et de surveillance. Interrogée sur ses actions à venir, Pulchérie Gbalet renvoie comme Kouamé Kra au ministère en charge de l’environnement et à ses structures sous tutelle, ainsi qu’aux ONG spécialisées dans les questions environnementales, pour aborder le problème de front. Dans ses propos suivants, elle exprime une vigilance extrême et une forte préoccupation sur le sujet : « Je vous invite à vous rendre un jour au Rwanda ou au Ghana voisins, vous y verrez une conscience environnementale incroyable, et pourtant ce sont des pays africains. Tout est une question de volonté politique, donc la responsabilité du gouvernement est immense. Il faudrait renforcer l’éducation environnementale dans les programmes scolaires pour que nos enfants grandissent avec une conscience environnementale. Notre plate-forme de la société civile s’intéresse à toutes les questions d’intérêt national, mais nous ne pouvons pas tout faire. Il y a beaucoup d’autres problématiques telles que la cherté de la vie, les déguerpissements abusifs, le retour de la démocratie et d’une paix durable qui nous préoccupent actuellement, mais l’environnement devrait être prioritaire car il concerne notre cadre de vie. En cas de défaillance marquée dans la protection de l’environnement, nous serons contraints de nous y intéresser. La problématique pressante de la disparition de nos forêts avec ses nombreux impacts négatifs est très mal gérée. Je ne peux pas commenter les réunions auxquelles je ne participe pas, mais il est crucial que le ministère en charge de l’environnement assume enfin ses responsabilités. Je le répète : tout dépend de la volonté politique. »
Ebrin Yao Rémi craint des catastrophes humanitaires
Ebrin Yao Rémi, PCA de la Plateforme pour l’Engagement Citoyen de Côte d’Ivoire (PEC-CI), exprime des craintes concernant des catastrophes humanitaires. Il mentionne que l’accumulation des déchets plastiques et de ses dérivés dans l’environnement est estimée aujourd’hui à plus de 10 tonnes produites chaque seconde pour une utilisation massive dans diverses industries à travers des produits à usage unique. Il constate que sans une prise de conscience des différents gouvernements, cela pourrait conduire à des catastrophes humanitaires.
En ce qui concerne le décret pris par le gouvernement ivoirien en 2013 interdisant la production, l’importation et l’usage du plastique en Côte d’Ivoire, Ebrin Yao Rémi rappelle qu’en tant que défenseur des droits de l’homme et de la protection de l’environnement, il avait salué cette décision. Cependant, il exprime sa déception en soulignant : « Malheureusement, nous sommes restés sur notre faim. » Il a toujours sollicité l’implication de la société civile ivoirienne sur ce dossier afin qu’elle puisse contribuer à la gestion efficace des questions nationales. Il a salué l’engagement des pharmacies et des supermarchés à soutenir les efforts de l’État de Côte d’Ivoire pour la protection de l’environnement.
Les autorités encore interpellées
En tant que président de 36 organisations, associations, ONG et mouvements de la société civile ivoirienne, il comprend les dangers qui menacent notre environnement et aurait souhaité une plus grande participation des acteurs de la société civile dans les décisions nationales. Interrogé sur les actions à entreprendre pour améliorer la situation et appliquer effectivement le décret d’interdiction des emballages plastiques non biodégradables, Ebrin Yao Rémi admet une certaine impuissance et fait appel à la sensibilisation des industriels pour une meilleure organisation du secteur, ainsi qu’à une sensibilisation accrue de la population ivoirienne sur les conséquences de l’utilisation quotidienne des sachets plastiques. Il souligne cependant le manque de financement de la part du gouvernement ivoirien et des institutions pour la mise en œuvre de leurs projets, fonctionnant donc sur fonds propres. Il mentionne avoir soutenu les efforts du gouvernement lors des élections locales et régionales en Côte d’Ivoire, déployant des observateurs indépendants sans soutien financier extérieur.
Une question de survie de l’humanité, selon Geoffroy-Julien Kouao
Geoffroy-Julien Kouao, politologue et essayiste, souligne que la question de la pollution environnementale dépasse les considérations idéologiques pour devenir une question de survie pour l’humanité. Il constate avec inquiétude la prédominance du plastique dans notre quotidien, que ce soit dans nos emballages, nos modes de construction, nos ustensiles de toilette, etc. Cette omniprésence du plastique entraîne une pollution généralisée des eaux, de l’air et du sol.
En ce qui concerne le décret de 2013 interdisant totalement la production, l’importation et l’usage du plastique classique en Côte d’Ivoire, Geoffroy Kouao reconnaît l’existence d’une volonté politique de lutter contre son utilisation. Cependant, il constate que malgré l’inflation de mesures juridiques d’interdiction et de répression, le plastique reste largement utilisé dans les marchés et supermarchés, ainsi que lors des cérémonies. Il estime que le problème réside moins dans le non-respect des textes que dans la faible réaction des autorités face à ceux qui les enfreignent, appelant à davantage de mesures répressives.
Il insiste également sur l’importance de sensibiliser les populations et les industriels aux dangers sanitaires et environnementaux liés à l’utilisation du plastique. En effet, en 2020, les plastiques ont généré 2 milliards de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. Geoffroy Kouao observe que les déchets plastiques sont omniprésents dans les milieux naturels, tels que les océans, les lagunes et les rues des villes, constituant une menace réelle pour la faune et la flore. Il rapporte même le témoignage d’un éleveur dont les bœufs sont morts après avoir ingéré du plastique, soulignant ainsi les dangers concrets de cette pollution.
En conclusion, Geoffroy-Julien Kouao appelle à une action urgente et concertée pour réduire l’utilisation du plastique et protéger l’environnement, exhortant les scientifiques, les populations et les gouvernants à prendre conscience de cette menace et à agir en conséquence.
Affaire à suivre de près
Il y’a lieu de saluer la prise de conscience des différents leaders d’opinion qui se sont exprimés, en appelant les populations à s’approcher la question d’une part, et d’autre part les bonnes volontés à accompagner dans la sensibilisation. Les ministres techniques en charge de la problématique, et au delà le gouvernement, sont désormais situés sur les attentes fortes de leurs concitoyens, relativement à l’application effective et sans ruse ni faux fuyant du décret présidentiel de mai 2013, portant interdiction de l’usage du plastique pour l’emballage en Côte d’Ivoire. Affaire à suivre et sur laquelle il convient de revenir , ou encore au sujet de laquelle il y’a lieu de demeurer activement saisi , devrait-on dire….
Charles Kouassi