L’enquête du Ciapol livre ses révélations- Voici pourquoi des poissons sont morts dans la Lagune Ébrié
On en sait un peu plus sur la cause de la mort de plus de 2 tonnes de poissons (Tilapia) à Abia-Koumassi. Le Centre ivoirien anti-pollution a livré ses conclusions, le mardi 12 mars 2024 au cabinet du ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique.
Le Centre ivoirien anti-pollution (CIAPOL), à travers son directeur général, Bernard Ossey Yapo a annoncé les causes de « la mortalité brusque » de 2, 705 tonnes de Tilapia dans la baie lagunaire d’Abia-Koumassi, dans la commune de Port-Bouët. « Le CIAPOL a été alerté le dimanche 4 mars 2024 à 20 heures. Une équipe s’est aussitôt rendue sur les lieux pour une intervention d’urgence (…) Il y a eu des rencontres avec les populations et la chefferie traditionnelle pour comprendre ce qui s’est passé la veille. Ils nous ont dit que c’est un phénomène qui se produit chaque année, de février à mars, mais ce qui a surpris, c’est l’ampleur de la situation (…) 1% sur la surface de 5, 41 hectares qui a été évalué. Ce que nous avons compris, c’est qu’il y a une seule espèce de poisson affectée et cela nous amène à dire que c’est un phénomène environnemental. Si c’était un empoisonnement ou un déversement de produits chimiques, cela aurait dû affecter plusieurs espèces de poissons. Nous avons effectué des échantillonnages de poissons , d’eau, de sédiments, de végétaux, pour comprendre la situation et ce qui nous a inquiétés, c’est le taux d’oxygène dissous, qui va de 0, 1 à 0, 9 voire à 0. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas d’oxygène dans le milieu où nous avons trouvé les poissons. Il y a eu une crise de déclin d’oxygène, donc les poissons ont été asphyxiés et ce sont les espèces les plus sensibles qui ont été touchées, dont les carpes. On s’est rendu compte que la démarche chimique en oxygène était très élevée, de l’ordre de 1. 000 mg/litre. Ce sont des eaux usées brutes, non traitées qui ont été rejetées dans la Lagune, créant une forte pollution organique dans le milieu. Nous avons aussi compris qu’à la veille, le dimanche 3 mars, il y a eu une grande pluie. Le drainage des eaux de toutes les canalisations qui débouchent sur la lagune et les déchets aux abords, ont certainement coupé l’oxygène dans ce milieu. Combiné au retournement des eaux du fond, cela a entraîné une asphyxie de tous ces poissons », a expliqué Bernard Ossey Yapo. Selon le directeur général du CIAPOL, 2, 6 tonnes de poissons sur les 2, 705 tonnes ont été détruits, soit environ 96 %.
Jacques Assahoré Konan :« La Lagune Ébrié est devenue le réceptacle des ordures »
Le ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, Jacques Assahoré Konan a lancé un appel au changement de comportement des populations. « La Lagune Ébrié est devenue un réceptacle des ordures. À Abidjan, personne n’a de puits perdu. Toutes nos eaux usées vont directement dans la Lagune, sans traitement. On a trouvé des demandes chimiques en oxygène de l’ordre de 1. 000 à 4. 000 mg/l, là où la norme est de 150 mg/l. C’est dire que l’eau qu’on a trouvée sur le site est pire que celle qui vient des toilettes, en termes de pollution. Il faut qu’on sache que les caniveaux ne sont pas des dépotoirs, parce que la destination finale, c’est dans la lagune. Quand on jette des ordures en pleine rue, la destination finale c’est la lagune (…) Ce qui s’est passé peut être d’origine industrielle, comme d’origine ménagère. Des industriels ont pu déverser leurs ordures dans les égouts nuitamment, ces ordures ont été charriées avec la grande pluie du dimanche 4 mars pour entraîner cette mort massive de poissons (…) Le gouvernement travaille, beaucoup de mesures sont prises, notre rôle c’est de sensibiliser les gens sur la protection de l’environnement. Nous sommes tous responsables de la pollution de la lagune (…) À Venise, tout est bâti sur l’eau, mais vous ne verrez jamais quelqu’un déposer une seule ordure dans l’eau. Mais chez nous, on quitte Abobo pour déverser des ordures dans la lagune. C’est un état d’esprit qu’il faut combattre. C’est une chance que nous avons d’avoir un plan d’eau comme la lagune. Malheureusement, nous sommes en train de tuer cette lagune avec la pollution, avec notre comportement. Il faut qu’on change de comportement pour que la pollution cesse ».
Des recommandations ont été faites par le CIAPOL, entre autres, le renforcement de la surveillance maritime et aérienne des plans d’eau d’Abidjan et l’identification des sources de pollution de la lagune.
Olivier Dion