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LA CHRONIQUE DU LUNDI Avec les districts autonomes, sortir d’une gestion administrative pour une gestion de proximité plus politique Un cas d’étude : le district autonome du Sassandra-Marahoué et la nécessite d’innover

L’action politique peut-elle enjamber la gestion administrative ?

Les 14 Ministres-Gouverneurs des Districts Autonomes ont été nommés le 18 juin 2021 par décret présidentiel. Dans le cadre de la décentralisation, tout gouvernement cherche à se doter des outils politiques dont il estime avoir besoin pour mettre en œuvre les stratégies de développement économique, social et environnemental. En nommant ces ministres-gouverneurs, Alassane Ouattara souhaite montrer qu’il assume la pleine responsabilité des stratégies de développement et qu’il veut en suivre la mise en œuvre. Les 14 districts autonomes sont des outils politiques. Les 31 régions de Côte d’Ivoire, même si leurs présidents ont une épaisseur politique et une légitimité que leur confère l’élection, restent à la fois des circonscriptions administratives et des collectivités territoriales. La région et le département, s’inscrivent dans une logique de déconcentration, avec les services déconcentrés de l’Etat, alors que le district autonome relève plus d’une stratégie de décentralisation, au sens politique du terme. De la région au district autonome, le curseur se déplace de la gestion administrative à l’action politique. Gérer administrativement en lien avec l’Etat et l’administration centrale, ce n’est pas gérer politiquement en lien avec le pouvoir exécutif et les grandes orientations des politiques publiques. En choisissant de nommer des ministres-gouverneurs, le gouvernement prend un risque politique qu’il assume. Le choix de ces ministres-gouverneurs a été porté « sur de hautes personnalités, des cadres expérimentés du pays, ayant une proximité avec les populations et étant originaires chacun d’un des districts qu’ils seront appelés à diriger. » Leur rôle est « de mettre en œuvre les projets de l’Etat dans les localités du pays avec une surveillance et une supervision plus accrues. »

Crédibiliser l’action politique et favoriser l’équilibre des territoires

L’action des ministres-gouverneurs vise à crédibiliser l’action politique avec « une surveillance et une supervision plus accrues » dans la mise en œuvre des « projets de l’Etat dans les localités du pays. » L’Etat aura un visage politique, celui du ministre-gouverneur, alors que, pour les populations, l’Etat reste toujours trop lointain, froid et bureaucratique. Le Premier Ministre Patrick Achi a précisé le rôle que chacun des Ministres-Gouverneurs doit jouer « il incombe à chacun d’eux de tout mettre en œuvre pour exploiter toutes les potentialités de sa région, de sorte à offrir aux populations de meilleures conditions de vie, par la mise à disposition des services sociaux de base. » Les Districts autonomes s’approchent de la taille suffisante qui permet d’attirer les investisseurs, développer les partenariats, créer des emplois, répondre aux attentes multiples des populations. Les marqueurs des districts autonomes sont la proximité avec les populations et les localités, la capacité à exploiter toutes les potentialités de la région. C’est aussi un moyen de lutter contre la puissance attractive de la métropole d’Abidjan. Le phénomène de métropolisation qui caractérise Abidjan est la traduction urbaine de la mondialisation : Abidjan concentre toutes les activités économiques, attire toutes les populations, génère une urbanisation incontrôlée et incontrôlable. Cette métropolisation, dont Abidjan est le symbole, est une menace pour les territoires, elle aggrave les fractures territoriales. Les Districts autonomes constituent donc un enjeu majeur pour le pouvoir avec la nécessité d’y développer des fonctions économiques supérieures, comme le propose Mathieu Babaud Darret, qui va diriger le District autonome du Sassandra-Marahoué.

Le District autonome du Sassandra-Marahoué

Pour Mathieu Babaud Darret, même si le District autonome du Sassandra-Marahoué est enclavé à l’intérieur des terres, son potentiel de développement est énorme. Originaire de Daloa, homme politique expérimenté (député, ministre, coordinateur du RHDP dans le Haut-Sassandra), Mathieu Babaud Darret connaît bien la région. Son ambition est de combiner un haut niveau de développement économique, un haut niveau de protection environnementale et un haut niveau d’innovation. La protection des réserves naturelles du District (Forêt classée du Haut-Sassandra, Parc national de la Marahoué, Forêt classée de Bouaflé, Forêt classée de Tos), n’est pas incompatible avec le développement du tourisme. L’agriculture, qu’elle soit de rente, vivrière ou maraichère, est un secteur économique fort (café, cacao, anacarde, banane plantain, canne à sucre, igname, manioc, riz, coton). Mais, l’agriculture a besoin d’être modernisée. Autres points forts du District : l’élevage, l’aviculture, la pisciculture. Autre atout dont dispose le District : un sous-sol aurifère. Quant à la crise énergétique que connaît la Côte d’Ivoire, elle doit conduire le ministre-gouverneur à suivre de près la situation des deux barrages hydroélectriques : le Barrage de Buyo sur le fleuve Sassandra, le Barrage de Kossou, sur le fleuve Bandama blanc.
Mathieu Babaud Darret est confronté à une situation paradoxale : le fort potentiel économique d’un district, qui est le troisième district le plus peuplé de Côte d’Ivoire, et la nécessité de moderniser et d’innover dans tous les domaines, en particulier l’agriculture. Il a déjà en tête la volonté de s’appuyer sur la révolution numérique et les applications digitales, afin de répondre aux attentes multiples des populations et des secteurs productifs (industrie, agriculture, tourisme, secteur culturel, etc.). Mathieu Babaud Darret a fait du développement de l’éducation une priorité absolue : l’Université de Daloa ne constitue-t-elle pas déjà un temple du savoir dans des secteurs stratégiques ?

Christian GAMBOTTI,
Agrégé de l’Université,
Président du think tank
Afrique & Partage – CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) –
Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone –
Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs africains.

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