Interview – Zéo-Bangolo La mère de l’instituteur ligoté et tué en maillot des Éléphants pour 100 mille Fcfa crie sa douleur et réclame justice
Victorine Guilé, mère de Luc Bomahé, l’instituteur ligoté et tué à Zéo , village du département de Bangolo, ouest de la Côte d’Ivoire, crie sa douleur et réclame justice pour son fils. Elle révèle que la victime était habillée dans le maillot des Éléphants dont il avait prédit la victoire. Il est mort pour un crédit non remboursé de 100 mille.
Mère de Gaël Blesson Luc Bomahé, instituteur bénévole de 21 ans, tué le samedi 10 février 2024, dans le village de Zéo, dans la région de Bangolo, Victorine Guilé est une femme affligée. « Le sang de mon fils réclame justice. On m’a arraché mon fils, on m’a arraché mon coeur » , a déclaré cette aide-soignante interviewée par téléphone le mercredi 21 février 2024. Elle a ajouté qu’il portait un maillot des Éléphants, et que c’est pour une dette de 100 mille que Luc Bomahé, a été tué.
Pouvez-vous nous expliquer les conditions du décès de votre fils?
Vraiment, je ne sais comment vous l’expliquer. Je suis de Zéo, le village où ils ont assassiné l’enfant. Je ne sais pourquoi ils ont tué mon enfant si cruellement à Zéo, par le fait de deux chefs du village : le chef de Zéo et celui de Douandrou 1. Je n’étais pas dans le village le vendredi 9 février 2024. Le chef du village de Dounandrou 1, m’a appelé pour me dire : «j’ai un problème d’argent avec ton enfant. Demain samedi, on va chez le chef (le chef de Zéo, village voisin ; Ndlr)». Je lui ai répondu : «merci papa ! Mais comme c’est une question d’argent, on parle de combien » ? Il m’a dit 100 mille. Je ne lui ai pas demandé comment est-ce ça s’est passé pour en arriver à cela. Je lui ai dit « Je viens avec ton argent demain. Comme tu as dit demain. Surtout qu’il fait nuit déjà». Et ce demain-là est tombé le samedi 10 février. À 7 heures, il m’appelle, pendant que j’étais déjà prête à quitter le village où je suis, pour me dire : « on va maintenant chez le chef ». Et je lui ai répondu : «n’est-ce pas que je vous ai dit que je viens pour rembourser votre argent. Cette affaire de chef là, tu n’as pas laissé tomber tonton » ! Il m’a dit «non, comme c’est déjà arrivé chez lui, il m’a dit de m’emmener. Donc tu me retrouves là-bas» J’ai dit «ok, je suis en route ». Et dès que je suis arrivée à Guéhiébli, je l’ai rappelé à nouveau. Il m’a dit : «je suis avec le chef, je te reviens », et il a coupé le téléphone. J’arrive à 9 heures et je trouve le corps de mon enfant dans la maison du chef du village de Zéo. L’enfant a été ligoté et tué, son corps couché là, devant moi. Voilà comment mon enfant est mort. Vous voyez bien la vidéo de son exécution relayée par les réseaux sociaux. Et dans la vidéo, le chef parlait avec le père de l’enfant. Le père de l’enfant qui venait d’Abidjan à qui on a passé le téléphone pour parler au chef. On a un ami qui est dans le village qui a appelé mon mari pour lui dire « ah, ton enfant est dans les problèmes ». Et il a dit «passe le téléphone au chef, comme je suis en route, je viens ». À peine mon mari a prononcé le mot «chef » que celui-ci l’a interrompu pour lui demander «est-ce que tu as les 100 mille francs. Fais un dépôt tout de suite sinon le CB dit de l’attacher et de l’emmener» ? Ce sont ses propos que vous attendez dans la vidéo en Guéré. Moi, je venais de Guéhiébli et mon mari, lui, venait d’Abidjan. On vient et on découvre que notre enfant est mort. On ne sait pourquoi l’enfant est mort. On ne sait pas pourquoi mon enfant a été exécuté de cette façon. Donc je demande justice. Seigneur, le sang de mon fils réclame justice. On m’a arraché mon fils, on m’a arraché mon coeur.
Vous avez rencontré CB (Commandant de Brigade) de la gendarmerie de Bangolo. Que s’est-il passé ?
Depuis le jour où l’enfant est décédé, nous sommes allés déposer notre plainte. L’audition a été faite à la gendarmerie de Bangolo, le samedi-même par un gendarme. Son père a été auditionné. Et le dimanche, nous sommes revenus. Là mon mari a précisé que c’est le chef du village de Douandrou 1 en complicité avec le chef du village de Zéo qui ont tué mon enfant. Entre-temps, ce même dimanche-là, tous ces chefs et leurs acolytes, ceux qui ont attaché et tué l’enfant étaient présents à la gendarmerie. Ils étaient venus déposer, on ne sait quelle plainte. Et curieusement, ils ont été relâchés. Mon mari et moi sommes revenus lundi. Et vous savez ce qu’on nous dit : «on les a relâchés pour nécessité d’enquête. On doit écouter tout le monde d’abord avant de procéder aux arrestations». Voilà ce qu’on nous a dit à la gendarmerie de Bangolo le lundi, alors qu’il y a mort d’homme. Mon enfant a été tué. Le mardi nous retournons à la gendarmerie et on nous dit la même chose ; C’est alors que le mercredi, nous sommes allés rencontrer le procureur de Man.
Et semble-t-il qu’il était dans tous ses états face à la lenteur des choses au niveau de la gendarmerie ?
Nous nous y sommes rendus avec des photos et la vidéo de son assassinat et nous lui avons également expliqué comment les choses traînaient au niveau de la gendarmerie. (…) Nous sommes retournés à la gendarmerie de Bangolo vers 14 heures. C’est à la suite de cela que le CB a appelé ses collaborateurs pour faire établir les convocations pour aller les remettre à tous les suspects à Zéo. Et c’est une semaine après les faits qu’il a appréhendé trois personnes. Soit les deux chefs et un agent de sécurité. Les autres suspects qui sont au nombre de quatre sont en fuite actuellement.
Aujourd’hui (le mercredi 21 février 2024 : Ndlr), vous étiez encore au Parquet de Man pour rencontrer le procureur. De quoi était-il question ?
Nous étions allés voir le procureur pour lui remettre des photos supplémentaires où l’enfant avait été ligoté jusqu’au cou, comme un animal, ce qui a provoqué sa mort, jusqu’à ce qu’il soit détaché une fois après sa mort. Mais lorsque je suis allée, on m’a dit qu’il est en audience. C’est donc à l’un de ses substituts que j’ai remis ces preuves du crime orchestré contre mon enfant qu’il a promis ranger dans le dossier.
Le corps de votre enfant est à la morgue et semble-t-il qu’il vous appartient de régler toute la facture ?
Oui, c’est ma carte d’identité qui a été prise là-bas. On me dit que je dois tout prendre en compte, en ce qui concerne les factures au niveau de la morgue
Vous aviez dit avant cet entretien que vous avez un appel à lancer aux autorités ?
C’est un appel de secours. Que justice soit faite. Je lance un appel aux autorités et à la face du monde. Que justice soit faite. Que la terre de Côte d’Ivoire fasse justice pour le sang frais de mon fils qui a coulé sur la terre de ses ancêtres. Je suis une femme, une maman aujourd’hui meurtrie. Une mère à qui on a arraché son fils jeune. Ils ont donné la mort à mon fils le 10 février 2024, à 9h à Zéo. Tué par deux chefs de villages, un enfant en maillot de Côte d’Ivoire. Il était habillé en maillot des Éléphants de Côte d’Ivoire. Il a proclamé à ses amis que la Côte d’Ivoire va prendre cette coupe. Ils ont dit «champion, si ce que tu as dit se réalise, c’est qu’on va fêter à Zéo ». Je ne sais pas pourquoi mon enfant est mort. Que justice soit faite
Claude Dassé