Société

Échanges avec la diaspora ivoirienne à Paris sur la réconciliation- Voici l’intégralité du mémorable message que le ministre Kouadio Konan Bertin a livré

Avant l'étape des échanges directs avec la diaspora sur la réconciliation et la cohésion en Côte d'Ivoire, Kouadio Konan Bertin a fait un mémorable discours pour planter le décor.


Ci-dessous l’intégralité de cette intervention du ministre de la Réconciliation et de la cohésion nationale devant la diaspora ivoirienne de France, à Paris le dimanche 5 juin 2022.

Monsieur le Ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion Professionnelle et du Service Civique, cher frère TOURÉ Mamadou,
Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de la République de Côte d’Ivoire près la République Française, Cher aîné Maurice BANDAMAN,
Monsieur le Consul Général de la Côte d’Ivoire en France, Madame le Représentant permanent de la Côte d’Ivoire auprès de l’UNESCO,
Monsieur le Directeur Général des Ivoiriens de l’Extérieur, Mesdames et Messieurs les responsables des faitières et associations Ivoiriennes de France,
Mesdames et Messieurs les Chefs des différentes communautés ivoiriennes de France,
Amis de la presse,
Ivoiriennes et Ivoiriens de la diaspora,
Chers invités et amis de la Côte d’Ivoire,

D’emblée, permettez-moi de saluer la présence de mon collègue et jeune frère Touré Mamadou. Il était déjà présent à la rencontre entre le gouvernement et le groupe des Ambassadeurs africains accrédités auprès de la Côte d’Ivoire dans le cadre des échanges sur les avancées du processus de réconciliation à Abidjan. Il y avait joué un rôle de premier plan en s’associant à moi pour répondre aux différentes préoccupations exprimées par nos interlocuteurs. Je n’ai aucun doute qu’il en sera de même cet après-midi. Votre présence ici à Paris, à mes côtés, montre, si besoin en était, que c’est tout le gouvernement du Premier Ministre Patrick ACHI qui est mobilisé pour cette grande séance d’écoute. Merci cher collègue d’être aussi disponible quand il s’agit des Ivoiriens et de la Côte d’Ivoire, notre pays.
Je note avec une très grande satisfaction la présence de Madame la Déléguée Permanente de la Côte d’Ivoire auprès de l’UNESCO, la Ministre et Professeure BAKAYOKO LY Ramata. J’ai pour habitude de vous appeler affectueusement grande sœur. Vous savez tout le bien que je pense de l’immense intellectuelle que vous êtes. Point n’est donc besoin d’en rajouter. Professeure, vous êtes la bienvenue au sein de cette auguste assemblée des Ivoiriennes et des Ivoiriens de France.

Mesdames et Messieurs,

Je souhaite remercier, tout particulièrement, les organisateurs de cette rencontre avec à leur tête l’Ambassadeur Maurice Bandaman. Le souci du devoir bien accompli et l’exemplarité que vous incarnez n’ont point trahi votre implication pleine et entière à la réussite de la rencontre de ce jour. D’Abidjan à Paris, vous continuez d’être une référence. Cher aîné, par ma voix, le gouvernement ivoirien vous adresse ses remerciements les plus déférents. J’associe à ces mots, tous vos collaborateurs.
Mes remerciements vont également à l’endroit de l’ensemble du Comité d’organisation qui n’a ménagé aucun effort pour que nous soyons tous rassemblés ici.
À toutes et à tous, je vous prie d’accepter l’expression de ma profonde gratitude.

Mesdames et Messieurs,

Votre intérêt pour cet évènement vous honore.
À titre personnel, je dois témoigner la joie que je ressens d’être parmi vous aujourd’hui. La fierté qui anime chaque Ivoirienne et chaque Ivoirien, en Côte d’Ivoire comme ailleurs, me fait chaud au cœur. Ici, à Paris, je sens la Côte d’Ivoire. Je la sens vibrer en vous. Je la sens vibrer en moi.
Chères sœurs et chers frères,
La paix est de retour en Côte d’Ivoire. Cette parole forte, je la tiens du Président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA.

À ce sujet, je voudrais vous faire un aveu : ces propos font du bien. Ils font, j’en suis sûr, un grand bien à nos compatriotes et à tous ceux qui nous font l’amitié de vivre dans notre pays. Cette parole présidentielle rassure nos partenaires au développement. Elle est même un appel d’air formidable aux investisseurs, à tous ceux, nationaux ou étrangers, qui rêvent de faire fortune en Côte d’Ivoire et qui sont toujours les bienvenus. Elle rétablit fort adroitement la vocation de notre pays à une attractivité robuste.
Bien entendu, notre pays dispose, comme jadis, d’un formidable atout : Celui de tenir en notre Président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, un grand bâtisseur qui fait lever des ouvrages que le temps qui passe n’effacera pas avant des siècles. Celui de compter en notre sein ce grand homme dont le coefficient personnel nous permet de résister aux bourrasques et aux tempêtes les plus destructrices. Avec lui et grâce à lui, nous sommes insubmersibles, nous sommes résilients.
Un proverbe africain dit : « Soulève la charge jusqu’au genou, on t’aidera à la mettre sur la tête ». Je suis convaincu que si nous, populations de Côte d’Ivoire, nous disposons nos esprits et nos cœurs à la réconciliation vraie et à la cohésion, le Président de la République parachèvera cette œuvre en apothéose.
Chers sœurs et chers frères de la diaspora,
La Côte d’Ivoire est notre mère à tous. Nous sommes ses enfants. Nous nous sommes tous envolés et avons fait notre nid plus ou moins loin de notre mère. Mais quoi qu’il advienne, peu importe les kilomètres, nous restons les enfants de notre patrie. Jamais vous n’oublierez votre mère. Jamais elle ne vous oubliera.
Ceux qui envisagent la diaspora uniquement à l’aune de sa contribution financière ont tort. Certes, l’argent envoyé au pays n’est pas négligeable. C’est une grande contribution à son développement. Mais, vous qui vivez en France ou ailleurs, vous la diaspora, vous êtes des ponts entre la Côte d’Ivoire et le monde. Laissez-moi revenir rapidement sur l’origine même du mot diaspora. Le terme vient du mot grec « spiro » qui signifie « je sème ». Ivoiriennes et Ivoiriens, vous qui composez la diaspora de notre pays, semez avec moi les graines de la réconciliation. Vous avez un grand rôle à jouer.
Qui pourrait croire qu’il serait possible de réconcilier durablement la Côte d’Ivoire en oubliant plus d’un million d’Ivoiriennes et d’Ivoiriens ? Vous, qui composez la 32ème région de notre pays, vous êtes essentiels à la réconciliation. Vous avez, au même titre que ceux qui vivent au pays, le pouvoir d’agir sur les aspects sociaux et politiques. Votre responsabilité est tout aussi grande.
Chers Ivoiriennes et Ivoiriens de France,
Les valeurs qui forgent notre pays sont nobles. Si vous me le permettez, je souhaite reprendre les mots de notre hymne national. Nous sommes une terre d’espérance, un pays mû par l’hospitalité. La grandeur de notre pays alimente la fierté de ses habitants. Tous rassemblés pour sa gloire, nous le bâtissons dans le bonheur. Notre devoir est d’être modèle de l’espérance promise à l’humanité. Oui, notre pays est un grand pays ouvert sur l’extérieur. Nous sommes un pays de brassage dont la diversité intrinsèque fait notre richesse.
Mesdames et Messieurs, la Côte d’Ivoire est pleinement engagée sur le chemin de la paix durable. La paix n’est pas un bien comme les autres. C’est le bien souverain. C’est la condition de tous les autres biens. Rien n’a plus d’importance. La liberté, le bonheur, l’égalité, rien n’est accessible sans la paix. Il faut se battre pour la paix. Il faut se battre pour la conserver. Il faut se battre pour l’installer durablement. Oui, la paix est un combat perpétuel. Au fond, lutter contre la violence est le seul combat qui vaille. La guerre en Ukraine nous le rappelle avec cruauté. La paix « est le devoir le plus sacré de la Nation» disait Felix Houphouët-Boigny. Les plus fidèles défenseurs de la paix doivent être reconnus. C’est pourquoi j’ai proposé lors de ma récente visite à la Grande Chancelière de l’Ordre national, le professeur Henriette Dagri Diabaté, la création d’un ordre du Mérite pour le Paix. La paix en Côte d’Ivoire vous concerne tout autant que ceux qui vivent au pays. Personne ne souhaite voir sa famille tourmentée.

Se battre pour la paix, c’est en finir avec les ressentiments, les oppositions ethniques ou religieuses. « Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion » nous enseignait le grand Nelson Mandela. J’en retiens que si personne ne naît en portant la haine, alors elle s’apprend, elle se construit. Ce qui est construit peut être déconstruit. Remplaçons la haine des cœurs par le respect de l’autre, l’amour de l’autre, même dans la différence.
Ivoiriennes et Ivoiriens de l’étranger, votre recul sur le pays est précieux. Utilisez-le pour chasser les vieilles pratiques, les stéréotypes ethniques et d’opposition systématique. Eradiquez les ferments de haine, des plus ancestraux aux plus contemporains. Suivez les enseignements du grand Félix Houphouët-Boigny : « J’ai la haine de la haine et je désapprouve toute violence dans les rapports entre les hommes».
La réconciliation de la Côte d’Ivoire et la cohésion de sa population ne peuvent advenir que si deux volontés se rencontrent. La volonté du peuple d’abord, dans son entièreté. Et celle de son gouvernement. Je sais que les Ivoiriennes et les Ivoiriens sont prêts. Son gouvernement aussi.
Je veux aujourd’hui saluer l’engagement du Président de la République, son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, à promouvoir avec une volonté inébranlable la réconciliation, la cohésion, et la paix dans notre pays. À chacune de ses décisions, il conserve comme fil directeur le rassemblement et l’ouverture pour le bien de la Côte d’Ivoire, en associant toutes les bonnes volontés. Cela n’aura échappé à personne: je n’appartiens pas à la famille politique du Président de la République. Je me suis opposé à lui lors de la dernière élection présidentielle. Et pourtant, c’est à moi qu’il a confié la lourde tâche de réconcilier les Ivoiriennes et les Ivoiriens. Cette mission n’est pas une affaire de parti. C’est une priorité nationale.
S’il nous reste évidemment du chemin à parcourir, nous sommes sur la bonne voie pour réconcilier durablement le pays. Des avancées considérables sont à relever.

Ivoiriennes et Ivoiriens de la diaspora,

Grâce à l’impulsion du Président de la République, Son Excellence Monsieur Alassanne Ouattara, et à la bonne volonté de tous, les Ivoiriennes et Ivoiriens se parlent davantage aujourd’hui qu’ils ne se parlaient hier. La session de dialogue politique, qui s’est déroulée du 16 décembre 2021 au 4 mars 2022, a pu compter sur la participation de 21 partis politiques dont le RHDP, le PDCI-RDA, le PPA-CI et FPI. 26 organisations de la société civile étaient également présentes. Le rapport final, qui formule plusieurs recommandations pour consolider le climat politique apaisé en vue des élections municipales et régionales de 2023, a été signé par tous. Un cadre de suivi se charge de superviser la mise en œuvre de ces recommandations. J’ai conscience que ce que j’avance peut paraître abstrait à certains. Si vous me le permettez, j’aimerais vous donner quelques exemples d’avancées concrètes. D’abord, tous les participants se sont engagés à abandonner la violence comme mode d’accession au pouvoir. En outre, il a été décidé que le mécanisme de financement des candidats à l’élection présidentielle et de remboursement des frais de campagne devait être repensé. Enfin, tous les participants se sont accordés sur la mise en place d’un processus de réparation et d’indemnisation des victimes de la crise électorale de 2020. Ce sont des victoires pour les Ivoiriennes et Ivoiriens, de Côte d’Ivoire et d’ailleurs.
La recherche de consensus par le dialogue, voilà l’intérêt supérieur de la Nation. Voilà ce que nous avons réussi à faire. Voilà ce qu’un peuple attend de ses dirigeants.
Je tiens à saluer une nouvelle fois la bonne volonté de la classe politique ivoirienne qui s’est engagée avec force sur la voie de la réconciliation et de la cohésion de notre pays. Quand Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo se parlent, quand ils échangent avec le Président de la République et son gouvernement, c’est une victoire pour notre pays. Ils montrent l’exemple à notre peuple. Quand Simone Gbagbo déclare se mettre à la disposition du gouvernement à œuvrer pour la réconciliation nationale, c’est une contribution essentielle qui vise à consolider la paix durable en Côte d’Ivoire.
Notre maison est en paix. La Côte d’Ivoire apaisée accueille tous ses enfants. Elle leur tend les bras. L’exil a chassé trop d’enfants hors du pays. Désormais, c’est l’exil qui n’a plus sa place en Côte d’Ivoire. Pousser ses enfants à l’exil, c’est prendre le risque d’alimenter le poison de la division des cœurs. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a retiré la Côte d’Ivoire des pays à risque. L’immense majorité des exilés est rentrée au pays. Le retour au pays du Président Gbagbo, il y a maintenant près d’un an, est une pierre de plus à l’édifice de la réconciliation nationale. Le 30 mai dernier, Charles Blé Goudé a reçu son passeport. C’est une première étape importante dans le processus visant à son retour au pays.
La diaspora ivoirienne est un pont entre notre pays et le reste du monde. Vous diffusez notre culture, notre art de vivre, nos coutumes. En quelques mots, vous diffusez notre histoire. Vous enrichissez nos âmes et celles du reste du monde. Mais l’histoire que vous transmettez ne saurait être fondée sur l’oubli. Il est essentiel de regarder le passé avec lucidité pour envisager l’avenir avec clarté. N’oublions pas ce que disait Aimé Césaire : « une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. » Rechercher la vérité, indemniser les victimes des soubresauts de notre histoire, généraliser les modes alternatifs et traditionnels de règlement des conflits, voilà des éléments essentiels pour bâtir la paix et la réconciliation de notre pays.

Voilà des avancées qui alimentent notre fierté d’être Ivoirien. Nous ne sommes pas une civilisation atteinte. Bien au contraire. Nous, peuple de Côte d’Ivoire, portons en nous la volonté d’être un modèle. Nous l’avons inscrit dans notre hymne national. Nelson Mandela disait qu’en « faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d’en faire autant.» Faisons scintiller notre lumière. Soyons un modèle de démocratie en Afrique. Désormais, nous gérons les différences par le bulletin de vote et non par la violence. Les dernières élections législatives ont été un succès. Elles ont été les élections les plus inclusives de notre histoire. Elles se sont déroulées de manière apaisée. Le verdict des urnes a été reconnu et accepté par tous les candidats et partis. L’opposition s’exprime librement au Parlement. C’est une victoire pour notre pays. Les élections municipales et régionales de 2023 seront une nouvelle opportunité de démontrer la consolidation de l’attachement de la Côte d’Ivoire à la démocratie.
Nous scintillons également en Afrique grâce à la vigueur de notre économie. Un peuple en paix, c’est un peuple qui peut connaître le développement, le progrès et la prospérité. C’est grâce à la paix que nous pouvons nous attaquer aux inégalités et aux injustices. C’est parce que la Côte d’Ivoire est en paix que la croissance économique est soutenue, que la modernisation du pays peut advenir et que les conditions de vie peuvent être améliorées. C’est en luttant contre la pauvreté, le chômage et la misère qu’on combat le désespoir et la résignation. La Banque mondiale a annoncé le 31 mai que le taux de pauvreté était passé de 46,3% en 2015 à 39,4% en 2020. Notre pays devrait connaître cette année une croissance économique de 6% quand la moyenne en Afrique de l’Ouest et centrale serait d’environ 3%. Dans les trois prochaines années, la croissance est attendue à 7,6% environ. C’est une très bonne nouvelle. Nous sommes le pays leader de la sous-région ouest-africaine. N’ayons pas peur d’être un pays leader en Afrique. La Côte d’Ivoire est considérée comme le pays qui a le plus accru sa prospérité ces 10 dernières années. Le Gouvernement a conscience que la croissance économique doit être inclusive et durable. Elle doit profiter à tous. C’est pourquoi le Gouvernement s’est fixé comme objectif dans le cadre du programme national de développement 2021-2025 de créer 4 millions d’emplois supplémentaires et de réduire le taux de pauvreté à 31,5%.
Bien évidemment, la Côte d’Ivoire n’est pas préservée des chocs mondiaux. La guerre en Ukraine entraîne une hausse des prix des denrées alimentaires et le gouvernement met tout en œuvre pour lutter contre le phénomène. Par ailleurs, soyons fidèles à notre tradition de pays d’accueil. Nous avons un devoir d’assistance et nous devons assumer notre rôle de leader.

Chères Ivoiriennes, chers Ivoiriens, enfants de Côte d’Ivoire,

La Côte d’Ivoire scintille, bouillonne, émerge. Votre patrie est une terre d’opportunités. Vous disposez de compétences et d’expériences utiles à votre pays. L’enrichir de votre retour, c’est participer à son rayonnement. J’ai pour habitude de dire que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Chaque ivoirien est un petit ruisseau. Ensemble, unis, soudés, nous formons une grande rivière.
Vous, Ivoiriennes et Ivoiriens de la diaspora, participez au rayonnement de la Côte d’Ivoire dans le monde. Partagez nos valeurs, notre histoire, placez au centre de tout votre âme ivoirienne et rejetez les ressentiments, les oppositions ethniques ou religieuses. Je vous appelle à la responsabilité. Je vous demande de vous engager pour votre pays à mesure de vos capacités. Si vous ne souhaitez pas rentrer au pays, c’est votre décision et je la respecte du plus profond de mon âme. Mais, je vous confie tout de même une mission. Faites tomber les murs. Ils nous divisent. Partagez nos valeurs ivoiriennes. Elles sont nobles, nous rapprochent et nous rassemblent.

Je vous remercie de votre aimable attention.

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