Faut-il avoir peur de la dette de la Côte d’Ivoire? Les éclairages d’un expert
Faut-il avoir peur de la dette de la Côte d’Ivoire? La Côte d’Ivoire est-elle sous perfusion alors que sa dette représente 56,8% de son Produit intérieur brut (PIB) ? Quels sont les enjeux de la dette de la Côte d’Ivoire et dans d’autres pays?
Un expert de l’ex ministère ivoirien du budget et du patrimoine de l’État, très au fait des questions budgétaires répond aux questions posées. Il donne son analyse de la politique d’endettement de notre pays. Il donne des éléments permettant d’être rassuré sur la question, au delà des débats politiciens et partisans.
POLITIQUE D’ENDETTEMENT EXTERIEUR DE LA COTE D’IVOIRE
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Il est courant que les gouvernements empruntent de l’argent à des entités étrangères, telles que des banques internationales, pour financer divers projets. L’emprunt extérieur peut être un outil bénéfique permettant aux pays d’accéder à des capitaux auxquels ils n’auraient peut-être pas accès autrement.
Cela peut être particulièrement important pour les pays en développement qui ne disposent pas de ressources financières suffisantes pour entreprendre des projets à grande échelle. Emprunter de l’argent auprès d’entités étrangères peut également contribuer à diversifier les sources de financement d’un pays.
En Côte d’Ivoire, le document de Stratégie de gestion de la Dette à Moyen Terme (SDMT), annexé à la loi des finances, définit les orientations de l’Etat en matière de financement à moyen terme des politiques publiques inscrites dans le Plan National de Développement (PND). Cette stratégie est actualisée chaque année. La SDMT tient compte de l’évolution des cadres macroéconomique et budgétaire qui prennent appui sur le PND, à travers la mise en oeuvre des actions prioritaires que le Gouvernement définit chaque année.
Les objectifs de la SDMT se résument comme suit :
•satisfaire les besoins de financement de l’État et ses obligations de paiement aux moindres coûts possibles ;
•s’assurer que les risques liés au portefeuille de la dette publique demeurent dans des limites acceptables ;
•maintenir les indicateurs de viabilité de la dette en dessous des seuils définis par le Fonds Monétaire International (FMI) ;
•contribuer au développement du marché domestique des capitaux.
Pour financer ses ambitieux programmes de développement, la Côte d’Ivoire doit mobiliser d’importantes ressources que l’étroitresse du marché domestique des capitaux ne permet pas de couvrir.
A l’expérience, il importe de noter que les taux d’intérêt sur le marché domestique des capitaux sont généralement plus élevés que ceux relevés sur les marchés internationaux des capitaux qui est plus profond puisque mobilisant l’épargne mondiale. En outre, les maturités sont nettement plus courtes sur le marché domestique, au regard de la faiblesse de l’épargne des ménages.
A titre d’illustration, le dernier emprunt réalisé, en janvier 2024, par la Côte d’Ivoire sur le marché international, d’un montant de plus de 1500 milliards FCFA sur des maturités de 9 et 13 ans, a enregistré des taux d’intérêt respectifs de 6,30% et 6,85% tandis que les taux de rendement à l’émission des deux dernières levées de ressources sur le marché régional des capitaux, en mars 2024, sont ressortis supérieurs à 7% pour une maturité de 3 ans et des montants sollicités compris entre 50 et 60 milliards.
Dans ce contexte, le recours aux emprunts extérieurs résulte d’arbitrages issus de l’appréciation des coûts d’opportunité. Il importe cependant de faire noter que l’accès aux marchés extérieurs pour lever de la dette n’est pas garanti à tous les Etats qui le désirent. En effet, il faut arriver à convaincre les investisseurs internationaux de sa capacité à tenir ses engagements financiers en termes de remboursements.
Cette confiance est établie sur la base de l’analyse d’une série d’indicateurs dont l’évolution dans le temps montre la crédibilité du pays. Cette analyse est confortée par les appréciations des services du FMI sur la qualité de la gestion macroéconomique du pays concerné.
La dette ivoirienne fait l’objet d’une analyse de viabilité régulièrement mise à jour pour détecter les éventuels risques qui pourraient y être attachés.
Plusieurs indicateurs sont analysés dans le cadre de l’analyse de la viabilité de la dette. Pour la dette extérieure en particulier, il s’agit notamment des ratios :
•Valeur actuelle de la dette extérieure / PIB ;
•Valeur actuelle de la dette extérieure / Recettes budgétaires ;
•Valeur actuelle de la dette extérieure / Exportations ;
•Service de la dette extérieure / Exportations ;
•Service de la dette extérieure / Recettes budgétaires.
La dernière évaluation indique un risque de surendettement de la Côte d’Ivoire jugé modéré pour la période 2023-2043, aussi bien sur la dette extérieure que sur la dette publique totale.
Le taux d’endettement de la Côte d’Ivoire, qui se situe à 56,8% en 2023, reste largement en dessous du seuil de 70% retenu dans le cadre de la surveillance multilatérale de l’UEMOA. A titre de comparaison, à fin 2023, le taux d’endettement du Sénégal est de 81,0% et celui du Ghana ressort à 84,9%.
Dans les pays développés, le taux d’endettement, à fin 2023, des Etats-Unis est de 123,3% tandis que celui de la France se situe à 110,0%.
Chiffres clés pour l’analyse de la dette
(en milliards de FCFA)
2011 | 2014 | 2017 | 2020 | 2023 | |
Dette publique | 8 377,1 | 6 438,5 | 10 045,1 | 16 802,3 | 27 782,6 |
dont dette extérieure | 6 264,2 | 3 308,7 | 5 770,0 | 10 756,7 | 17 156,3 |
PIB Nominal | 12 112,7 | 17 461,0 | 30 491,6 | 36 252,0 | 49 012,0 |
Recettes totales, hors dons | 1 693,0 | 2 989,4 | 4 257,3 | 5 095,9 | 7 513,0 |
dont Recettes fiscales (y/c recettes affectées et parafiscalité) | 1 493,1 | 2 573,3 | 3 660,8 | 4 356,1 | 6 601,1 |
Exportations de biens et services | 6 441,8 | 6 857,7 | 7 464,9 | 7 616,0 | 11 601,9 |