Économie

Interview- DIBY Azi Léopold ( Président de l’Association nationale des semenciers de Côte d’Ivoire) « Ce qui n’a jamais été dit sur la THÉORIE DIBY SUR LA SEMENCE »

Président de l’Association nationale des semenciers de Côte d’Ivoire (ANASEMCI), DIBY AZI LÉOPOLD explique comment se porte son association. Il révèle les enjeux des semences dans l’agriculture en Côte d’Ivoire, et fait le tour de la question, de l’agriculture familiale, à la place de l’agriculture dans l’économie ivoirienne, par rapport à la souveraineté alimentaire également.

C’est quoi l’ANASEMCI, en quoi consiste la Théorie DIBY sur la semence, quel est l’avenir de l’agriculture en Côte d’Ivoire , en particulier l’agriculture dite familiale . Des éléments de réponses dans cette interview révélation avec le père de la Théorie DIBY sur la semence, qui a développé des interactions, et qui a une bonne maîtrise du sujet.

1- Vous êtes le président de l’Association nationale des semenciers de Côte d’Ivoire, comment se porte votre association ?

L’Association Nationale des Semenciers de Côte d’Ivoire (ANASEMCI) se trouve dans une dynamique positive, grâce aux efforts déployés pour revitaliser et développer l’industrie semencière du pays. Permettez que je réponde en détail de façon analyse, en posant des questions et en donnant des réponses.

De qui ou de quoi s’agit-il ?

L’Association Nationale des Semenciers de Côte d’Ivoire (ANASEMCI) est une institution de la société civile agricole, fondée en 2009. Son établissement a été le fruit d’une initiative conjointe des acteurs du secteur, du Ministère en charge de l’Agriculture, de la FAO (dans le cadre du projet TCP/VIC/3102) et d’autres partenaires, en accord avec le Plan Directeur du Développement Agricole (PDDA) pour la période 1992-2015.

Comment cela se déroule ou se fait ?

Dans le cadre des programmes d’ajustement structurel, le Plan Directeur du Développement Agricole (PDDA) 1992-2015 a permis l’établissement de cinq organismes déterminés comme des piliers pour le développement agricole en Côte d’Ivoire. Ces organismes incluent :

· Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER), créée en 1993 pour encadrer les acteurs du secteur agricole et rural ;

· Association Nationale des Organisations Professionnelles des Agriculteurs de Côte d’Ivoire (ANOPACI), fondée en 1998 pour promouvoir la professionnalisation et défendre les intérêts des acteurs agricoles ;

· Centre National de Recherche Agronomique (CNRA), également créé en 1998 par la fusion de plusieurs centres de recherche existants.

· Fonds Interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil Agricole (FIRCA), créé en 2002 pour assurer un financement autonome et durable de la recherche et du conseil agricole ;

· Association Nationale des Semenciers de Côte d’Ivoire (ANASEMCI), créée en 2009 pour garantir la disponibilité de semences de qualité en quantité suffisante.

Dans ce contexte, la Plateforme d’Action Nationale pour l’Agriculture Familiale de Côte d’Ivoire (PANAFCI), fondée en 2013, sert de base pour le soutien effectif aux agriculteurs familiaux, qui sont les principaux acteurs de l’agriculture ivoirienne.

Cela souligne que le développement est réalisable lorsque chaque acteur s’engage pleinement dans un cadre bien défini.

Pourquoi cela doit-il se faire ?

Le secteur semencier en Côte d’Ivoire joue un rôle crucial dans le développement agricole et agro-industriel du pays. La qualité et la disponibilité des semences sont essentielles pour les diverses filières agricoles, car elles déterminent directement la production. La gestion de l’ensemencement est donc fondamentale pour conférer le statut d’agriculteur ou d’éleveur à une personne, qu’elle soit physique ou morale. L’impact des semences sur la production peut être soit positif, soit négatif, ce qui souligne l’importance d’un secteur semencier bien développé.

Depuis son indépendance, la Côte d’Ivoire a toujours mis l’accent sur le développement de son industrie semencière. Cependant, force est d’affirmer que la conjoncture économique a obligé l’État providence à promouvoir des solutions pour sa survie. Ce qui a occasionné la prolifération d’une agriculture extensive à faible rendement. Dans la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel, l’Etat s’est donc retiré progressivement du secteur semencier au profit du secteur privé conformément au décret n° 92-392 du 01/07/92 relatif à l’homologation et à la protection des variétés végétales, à la production et à la commercialisation des semences et plants, du Président de la République, son Excellence Monsieur Félix HOUPHOUËT-BOIGNY. Le cadre réglementaire, institutionnel et juridique favorisant l’amélioration du climat des affaires dans l’agriculture dès 1992, avec l’implication active à partir de 2009 de l’Association Nationale des Semenciers de Côte d’Ivoire (ANASEMCI), a été conforté par la Loi d’Orientation Agricole (N° 2015-537 du 20 juillet 2015), et consolidé en 2022 par l’adoption de la semence certifiée dans les programmes et projets agricoles par le Président de la République, son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA.

Toutefois, la baisse de la productivité de l’agriculture, en général, et particulièrement de celle de l’agriculture familiale, est liée à la qualité de la semence. Cela, sachant que cette qualité est soumise aux modalités suivantes : la certification sociale, administrative, associative ou privée.

Par la promotion de l’adoption de la semence certifiée dans les dispositifs de production agricole en Côte d’Ivoire, l’ANASEMCI ambitionne de contribuer de façon efficace et efficiente aux actions du Gouvernement pour l’amélioration des conditions de vie des populations ivoiriennes.

2- Vous êtes aussi l’auteur d’une théorie qui porte votre nom, à savoir la Théorie DIBY sur la semence. Dites-nous comment vous est venue l’idée d’élaborer une telle théorie ?

C’est l’histoire d’une vie. L’agriculture représente pour nous une passion et un véritable engagement. Les crises et l’introduction de nouvelles variétés ont conduit à la faillite de certains agriculteurs, comme cela a été le cas dans la culture de l’ananas, où le remplacement de la variété Cayenne par la MD2 a entraîné une perte de marché significative. Cette situation a poussé certains agriculteurs à se reconvertir.

Pour notre part, nous avons choisi de nous orienter vers la culture du riz, en mettant en place un dispositif de mécanisation pour la production et l’usinage de riz paddy, incluant des équipements tels que séchoir, silos, décortiqueuse et calibreuse. Le fonctionnement du dispositif nous a permis de façon pratique d’appréhender les insuffisances, tels que la faible productivité des exploitations agricoles, la mauvaise qualité des produits agricoles, la décote de nos matières premières agricoles, la faillite des usines, voire les effets contraires liés à la semence. Le constat est que « chaque grain de riz paddy a sa valeur de par sa longueur, sa largeur, son épaisseur et son goût ».

Avec notre éléphant blanc lié à la semence, nous avons pris la résolution et l’engagement de conduire le processus suivant :

· Collaborer avec des experts nationaux et internationaux : Nous avions sollicité les conseils d’anciens travailleurs et cadres ayant œuvré au sein d’initiatives telles que l’Office des Semences et Plantes (OSP) pour apprendre de leur expérience et bénéficier de leur soutien, tout en nous entourant également d’experts internationaux ;

· Promouvoir une variété spécifique : Nous avons choisi une variété d’espèce pour produire des semences certifiées et les promouvoir de manière objective et pragmatique, en tenant compte de l’environnement et de son évolution. La semence certifiée de maïs BEERA EV 8728 SR, introduite depuis 2010, constitue le fondement d’une école qui contribue à sécuriser, maintenir et diffuser cette variété avec pour obtenteur Docteur Alpha Oumar DIALLO de l’IITA, la Côte d’Ivoire comme pays origine de l’obtention. Elle est reconnue et utilisée par le DHS-VATE et figure au catalogue CEDEAO 2016 ;

· Créer une task-force pour l’agriculture : Nous proposons d’établir une équipe dédiée au développement rural dont la mission sera de contribuer à finaliser le cadre réglementaire, institutionnel et juridique du secteur semencier. Cela est crucial pour la renaissance et la redynamisation de l’industrie semencière ivoirienne tout en garantissant les investissements.

Après observation, analyse, experimentation, riche de notre experience et de notre expertise en la matière, nous avons mis sur pied la Théorie DIBY sur la Semence et conçu un schéma révolutionnaire de son énoncé, qui contribue à une nette comprehension de l’implication et de l’importance de la Semence dans la chaîne de production.

L’énoncé de la Théorie DIBY sur la Semence :

Au Niveau de l’activité́ Agricole, 20% des Actions sur les Acteurs produisent naturellement des Résultats, à 80% de par la Semence.

La Responsabilité Inclusive des Acteurs (Etat, Recherche, Semenciers et Agriculteurs) Impacte à 40% sur la Productivité Agricole :

· 10% pour l’Etat, dans la sécurisation du dispositif agricole ;

· 10% pour la Recherche, pour l’existence de la Semence ;

· 10% pour les Semenciers, pour la disponibilité de la semence certifiée ;

· 10% pour l’Agriculteur, pour l’utilisation de la semence certifiée pour garantir la productivité. (Certification : Privée ; Sociale ; Associative ; Administrative).

Il y a des idées reçues et des idées vécues. La réalisation procure une connaissance beaucoup plus grande que n’importe quel raisonnement intellectuel.

Nous souhaitons exprimer notre sincère gratitude à toutes les personnes et organisations qui ont contribué à la réalisation de cet objectif. Il est juste de dire qu’il n’y a pas de concurrence dans le secteur semencier, chaque acteur se spécialisant dans une espèce et variété. Cela constitue une opportunité majeure pour l’agriculture, car les besoins sont considérables et continueront d’augmenter. Pour garantir la viabilité du secteur, il est crucial de le sécuriser.

Le secteur semencier est la pierre angulaire du système agricole. Son développement inclusif représente l’une des plus grandes opportunités pour l’avenir.


3- « Le succès de ce pays repose sur l’agriculture ». Y-a-t-il un parallèle entre cette affirmation et la théorie que vous avez élaborée ?

L’agriculture constitue l’activité économique majeure de la Côte d’Ivoire, et la Théorie DIBY sur la semence élargit cette perspective. Il est essentiel de retenir que « Le succès de ce pays repose sur l’agriculture, et celui de l’agriculture dépend de la semence, ainsi que du bien-être des agriculteurs. »

Au niveau macroéconomique, le succès national est ancré dans l’agriculture, qui repose sur la collecte et l’addition des produits. En revanche, au niveau microéconomique, le succès agricole dépend de la semence, ce qui implique des opérations de multiplication et de productivité. La qualité des semences est un facteur déterminant ; une mauvaise qualité peut mener à l’échec des projets agricoles. Par conséquent, le rendement des cultures se traduit par les gains des agriculteurs. Les rendements faibles sont souvent à l’origine de la misère et de la démotivation dans le secteur agricole. Par exemple, bien qu’il y ait une collecte pour la commercialisation à Abidjan, les régions rurales souffrent d’un manque d’approvisionnement.

Un exemple concret en 2014, durant l’année internationale de l’agriculture familiale, illustre cette dynamique : 2000 femmes ont reçu chacune 5 kg de semences certifiées de maïs BEERA EV 8728 SR, permettant de passer d’une production de 250 à 1000 kg sur un quart d’hectare, soit une collecte passant de 500 à 2000 tonnes, avec un gain multiplié par quatre pour chaque femme. Une telle initiative, si elle est véritablement engagée et étendue, pourrait devenir un pôle économique. Ce modèle n’est pas inédit en Côte d’Ivoire ; il a été appliqué jusqu’en 1982.

L’agriculture doit donc être considérée comme un vecteur essentiel du développement inclusif.

4- On parle de semence en général, mais quelles sont celles pour lesquelles la Théorie DIBY a été conçue ?

La Théorie DIBY sur la semence a été élaborée principalement pour les semences de types végétaux, animaux, halieutiques, aquacoles et forestières, offrant ainsi de nombreuses opportunités dans le secteur agricole.


5- La semence est l’essence de l’essentiel. Que voulez-vous dire exactement ?

La Théorie DIBY sur la semence stipule qu’en utilisant une moyenne pondérée de 10 % par action, plusieurs éléments fondamentaux se dégagent :

· L’existence de la semence (10%) constitue le socle du projet agricole (10%) ;

· La quantité de semence (10%) détermine le dimensionnement du projet agricole (10%) ;

· Le potentiel de la semence (10%) se manifeste à travers la chaîne de mise en valeur du projet agricole (10%) ;

· La productivité de la semence (10%) est essentielle pour assurer la viabilité du projet agricole (10%).

Ainsi, nous obtenons des résultats à 80 % grâce à la semence.

La semence définit l’activité, l’acteur et le produit. Par exemple, la semence de riz caractérise la riziculture, le riziculteur, le riz paddy et le riz décortiqué. De plus, la semence certifiée est un indicateur clé de la bonne gouvernance dans le secteur agricole, comme en témoignent les objectifs du projet, ainsi que les processus de planification, de suivi, d’évaluation et de développement agricole.

Enfin, l’industrie semencière représente le fondement de l’agro-industrie. En somme, la semence est l’essence même de l’agriculture.

6- La Côte d’Ivoire réalise d’excellentes performances dans le secteur de l’agriculture : 1er producteur mondial de cacao, 1er producteur mondial de noix de cajou brutes et représente 25% de la production mondiale… Quels commentaires vous inspirent ces performances, comment les améliorer et les étendre aux autres productions agricoles ?

En ce qui concerne les performances remarquables du secteur agricole en Côte d’Ivoire, le Ministre Charles Koffi DIBY, mon aîné, avait exprimé, de son vivant, le désir d’obtenir mon analyse en tant qu’auteur de la Théorie DIBY sur la Semence et expert en agriculture. Nous avons eu plusieurs heures d’échanges fructueux durant lesquelles il a partagé ses orientations et j’ai eu l’occasion d’exposer mon point de vue.

À l’échelle mondiale, les résultats agricoles sont souvent liés aux volumes des produits. Cependant, la réalité est différente : les performances actuelles de l’agriculture ivoirienne sont essentiellement virtuelles et ne permettront pas de faire face aux nouveaux niveaux d’endettement.

Nous observons des productions qui ne répondent pas aux normes de qualité, notamment celles provenant des forêts classées et impliquant le travail des enfants. Cette situation risque de se détériorer davantage en raison du manque de main-d’œuvre, car ces enfants finiront par quitter les plantations. La Côte d’Ivoire, avec une superficie de 322 000 km², non évolutive, ce qui signifie que ces opérations atteindront bientôt leur limite de saturation. De plus, nos rendements agricoles figurent parmi les plus bas au monde. Nous sommes confrontés à l’abandon de vieilles plantations non productives dans les zones non classées et au phénomène d’orpaillage. Sur le marché mondial, les produits ivoiriens sont sous-cotés en raison de leur qualité, que ce soit dans l’hévéa, le palmier à huile, l’anacarde, le cacao, le café, etc. Des défis majeurs demeurent à relever.

En effet, l’agriculture est essentielle pour la subsistance et l’existence de la Côte d’Ivoire ; elle représente une valeur économique et sociale considérable. Il est impératif qu’elle assure une gestion efficace de la dette à tous les niveaux : micro, méso et macro.

Les solutions proposées par le Père fondateur Félix HOUPHOUËT-BOIGNY comprennent :

· Maintien de la paix ;

· Promotion de la formation ;

· Encadrement de la jeunesse ;

· Valorisation de l’agriculture comme une économie renouvelable ;

· Atteinte de la souveraineté alimentaire ;

· Transformation des produits agricoles pour favoriser l’essor économique et le développement inclusif.

(Cf. recommandations dans son Plan Directeur du Développement Agricole (PPDA) 1992-2015, basées sur son décret n° 92-392 du 01/07/92, relatif à l’homologation et à la protection des variétés végétales, ainsi qu’à la production et à la commercialisation des semences et plants, et son discours testamentaire).

L’annulation de la dette et l’achèvement du cadre agricole favoriseront les investissements productifs, permettant ainsi d’atteindre le deuxième miracle économique souhaité par le Père fondateur. Il nous rappelle que « Le découragement n’est pas ivoirien. »

En nous appuyant sur un modèle antérieur à la crise financière de 1982, nous avons mené des études démontrant leur faisabilité. Par exemple, nous avons fourni aux femmes de Côte d’Ivoire des semences certifiées de maïs BEERA EV 8728 SR pour leur culture.

Il est impératif de replanter de manière programmée, ce qui générera des emplois et relancera l’économie. L’annulation de la dette signifie que la Côte d’Ivoire ne rencontre pas de problèmes de financement, il est donc crucial d’agir dès maintenant.

Notre approche du développement durable repose sur trois grands acteurs :

1. L’État, qui doit assurer la sécurisation de tout le dispositif.

2. Les partenaires au développement : agences internationales, agences de financement, ONG, pouvoirs locaux. Ils agissent pour des causes et sont des catalyseurs du développement. De ce fait, les partenaires financiers et techniques, qui doivent être dissociés pour clarifier les responsabilités dans l’action.

3. Le secteur privé, qui doit garantir ses intérêts et optimiser les activités.

Les interactions entre ces acteurs ont évolué :

· Auparavant, l’État assumait seul toutes les responsabilités, ce qui a atteint ses limites budgétaires.

· Désormais, les partenaires au développement jouent un rôle central aux côtés de l’État, mais cette collaboration a également montré ses limites, notamment en matière de pérennité des résultats après la fin des projets.

· À l’avenir, il est essentiel d’accorder la priorité au secteur privé dans cette collaboration tripartite pour assurer la pérennité des initiatives.

Cependant, cette collaboration doit se faire sous le regard vigilant de la société civile, avec un comité de concertation réunissant l’État, les partenaires au développement, le secteur privé et la société civile.


7- On parle de plus en plus de souveraineté alimentaire, mais aussi de changement climatique, qui a un impact dans le secteur agricole. Comment, selon vous, la Côte d’Ivoire peut-elle relever ces défis ?

Le changement climatique représente une préoccupation mondiale majeure. Pour y faire face, il est essentiel d’adopter un changement de mentalité et de mode d’action, dans une perspective intégrée visant la pérennité. Cela constitue la mission de l’être humain en harmonie avec la nature. Lorsque la terre est perçue comme un eldorado, elle est souvent exploitée de manière désastreuse. En revanche, si elle est considérée comme une terre promise, elle peut être transformée en véritable trésor. Il est crucial de cultiver un esprit de service envers les générations futures en menant des initiatives de reboisement et de sylviculture.

Nous avons l’honneur de présider la Plateforme d’Action Nationale pour l’Agriculture Familiale de Côte d’Ivoire (PANAFCI). Un constat important à noter : au cours des crises passées, la Côte d’Ivoire disposait d’une plus grande quantité de produits alimentaires locaux qu’aujourd’hui. Cela s’explique par la création de nouvelles plantations, notamment dans la culture du cacao, accompagnées de cultures vivrières destinées à nourrir les familles et les travailleurs non rémunérés, tout en permettant la vente à bas prix des surplus. L’évolution progressive des plantations a réduit cependant le potentiel global. Ce sont les agriculteurs familiaux qui ont soutenu l’alimentation des Ivoiriens pendant toutes ces crises. Pendant la pandémie de COVID-19, nous avons exhorté ces agriculteurs familiaux à augmenter leurs surfaces cultivées pour que la Côte d’Ivoire puisse faire face à cette nouvelle crise. C’est dans ce contexte que les Nations Unies ont adopté deux résolutions en faveur de l’Agriculture Familiale, et que la Côte d’Ivoire a intégré cette approche dans sa Loi d’Orientation Agricole. Ce sont les agriculteurs familiaux qui font et maintient l’économie de la Côte d’Ivoire. Ils doivent avoir un retour sur investissement.

Pour garantir la souveraineté alimentaire, nous proposons la création de grandes cuisines destinées à nourrir les élèves dans les régions, en utilisant des produits locaux issus de l’Agriculture Familiale, en adéquation avec notre patrimoine. Nous avons également mis en place une stratégie nationale pour le stockage de sécurité alimentaire et nutritionnelle, qui préconise un stockage progressif allant des villages aux grandes villes. Pour gérer le dispositif de stockage, il est nécessaire d’avoir accès aux produits agricoles et aux semences appropriées pour les cultures.

8- La sécurisation de la productivité de la semence relève des prérogatives de l’État, selon vous. Qu’attendez-vous justement de l’État dans ce sens ?

La sécurisation de la productivité des semences certifiées est une prérogative de l’État, qui s’inscrit dans un processus comprenant l’inscription des espèces et variétés au catalogue, le contrôle de la qualité, la certification et la commercialisation. La Loi d’Orientation Agricole a officialisé le désengagement de l’État des fonctions productives, commerciales et péri-agricoles, tout en intégrant l’Agriculture Familiale ainsi que la certification administrative, sociale, associative et privée.

9- Parlez-nous de la Loi de Pareto. Comment sa mise en pratique peut-elle être bénéfique au développement durable de l’agriculture et partant, de l’économie ivoirienne ?

Le principe de la loi de Pareto stipule que 80 % des résultats proviennent de 20 % des actions. La Théorie DIBY sur la Semence s’appuie sur cette loi, affirmant qu’au sein de l’activité agricole, 20 % des actions sur les acteurs génèrent naturellement 80 % des résultats liés à la semence. Il est donc crucial d’intervenir auprès des acteurs pour maximiser l’efficacité de la semence.

La mise en œuvre de cette approche est bénéfique pour le développement durable de l’agriculture et, par conséquent, pour l’économie ivoirienne. Cela nécessite 20 % d’actions ciblées sur les acteurs, dont 10 % consacrés à la formation pour acquérir des connaissances et 10 % à la professionnalisation par l’exercice et la gestion de ces savoirs dans une optique de durabilité. Cette démarche s’inscrit dans une économie de la connaissance visant à générer un capital humain, une préoccupation majeure du Père fondateur Félix HOUPHOUËT-BOIGNY.

10- Quel peut être, selon vous, le rôle des acteurs du monde agricole, notamment les producteurs, l’État à travers ses structures d’encadrement… pour le développement de la Côte d’Ivoire ?

La question soulevée est cruciale, et le processus est presque à son terme. Nous pouvons l’aborder dès maintenant.

Un immeuble en construction peut rencontrer des problèmes liés à l’état de sa fondation. De même, notre système agricole représente un immeuble en construction dont la fondation est notre système semencier. La Côte d’Ivoire fait face à un véritable défi concernant ses semences, aggravé par les cinq crises successives qu’a traversées le pays :

1. Crise financière (problèmes de trésorerie) ;

2. Crise économique (réduction des investissements même de maintien) ;

3. Crise sociale (chômages, avec l’agriculture comme valeur refuge) ;

4. Crise politique ;

5. Crise militaire (situation sécuritaire).

Les programmes d’ajustement structurel, l’initiative PPTE, l’annulation de la dette et le renouveau de la Côte d’Ivoire ont contribué à atténuer la crise financière, favorisant un secteur semencier redynamisé pour le développement de l’agro-industrie. En 2005, une task-force a été constituée pour aborder cette problématique en prenant en compte quatre temps :

· Situation normale (gestion avec de bonnes ressources avant 1982) ;

· Situation de crise (gestion avec des ressources limitées) ;

· Situation post-crise (gestion empreinte de méfiance) ;

· Situation normalisée (gestion avec des personnes ressources compétentes).

Notre approche consiste à élaborer une vision stratégique englobante pour tous les acteurs et leurs rôles respectifs. Il est essentiel de penser en termes de programme plutôt que de projet, en se connectant aux systèmes centraux après les avoir identifiés (par les exemples : la Sous-Direction des semences au Ministère en charge de l’Agriculture pour la production de semences certifiées, l’Association Ivoirienne des Sciences Agronomiques pour l’implication du monde de la recherche et universitaire, le Réseau International FAR pour la formation du monde agricole et rural). Nous devons également maintenir un effet papillon en recherchant un cadre légal approprié.

Il est crucial de mener des activités et rendre possible la production de la semence certifiée en montrant son impact, et d’observer les actions entreprises et leurs implications tout en restant des acteurs patients et engagés, déclarant notre foi en Dieu pour contribuer à finaliser et adopter le cadre réglementaire du secteur semencier, tel qu’initié par le Plan Directeur de Développement Agricole (PDDA) 1992-2015. Ce cadre est indispensable pour faire émerger une industrie semencière qui soutiendra un nouveau miracle économique.

Les acteurs du secteur agricole sont sélectionnés comme des investisseurs, et la Loi d’Orientation Agricole définit clairement les rôles de chaque partenaire, y compris celui de la société civile. Le développement devient réalisable lorsque chaque acteur joue pleinement son rôle dans un cadre bien défini. La Loi d’Orientation Agricole (Loi n° 2015-537 du 20 juillet 2015) est une référence essentielle que chaque acteur du monde agricole doit connaître pour contribuer efficacement au secteur.


11- En 2022, vous avez lancé une campagne de sensibilisation sur l’importance des semences. Avez-vous atteint vos objectifs ?

Nous avons jugé essentiel de communiquer des informations à l’ensemble de la nation, en ciblant progressivement des populations spécifiques, à travers des Campagnes Nationales Annuelles d’Information et de Sensibilisation sur l’importance et l’impact des semences pour transformer le secteur agricole et rural, ainsi que l’économie nationale.

L’année 2022 a marqué le lancement de cette campagne, visant à sensibiliser des partenaires clés tels que l’UFHB, l’ANADER, l’ANOPACI, le CNRA, le FIRCA, la PANAFCI, le WAVE, le Ministère de l’Agriculture, ainsi que les agronomes, tout en partageant notre position sur divers projets. Les résultats significatifs de cette première année incluent :

1. L’adoption du Décret N° 2022-392 du 8 juin 2022, qui réglemente les professions agricoles et confirme la Loi d’Orientation Agricole ;

2. Lors du Conseil des Ministres du 12 octobre 2022, présidé par Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, il a été décidé d’intégrer l’utilisation de semences certifiées dans les programmes et projets agricoles prévus par le PNIA ;

3. Le CNRA a été placé sous la tutelle du Ministère en charge de l’Agriculture conformément à la Loi d’Orientation Agricole.

En 2023, nous avons lancé la deuxième campagne nationale d’information et de sensibilisation, ciblant des Ministères ainsi que les partenaires techniques et financiers nationaux et internationaux tels que la BAD, la FAO, le FIDA, le GBM, le PNUD, l’INADES, l’OMA et l’AGRA. Les résultats notables incluent :

1. L’élaboration du plan stratégique de développement de l’ANASEMCI pour 2023-2027.

2. La publication d’un élément vidéo de l’ANASEMCI sur le site web de la FAO.

3. Une rencontre productive avec la BAD.

4. La confirmation de l’utilisation des semences certifiées dans les projets financés par l’État et les partenaires techniques et financiers.

5. Des appels d’offres concernant les semences certifiées avec un contrôle rigoureux en laboratoire.

6. La recommandation des Nations Unies pour une mutualisation des actions de ses différentes agences dans le secteur agricole et rural.

7. La nomination de présidents pour certains comités de l’ANASEMCI.

8. Des communications lors du SARA.

9. La création d’une équipe de communicateurs dédiée à la promotion du secteur semencier.

Pour 2024, nous prévoyons la troisième campagne nationale d’information et de sensibilisation, avec un accent particulier sur la Présidence de la République. Les résultats notables et attendus incluent :

1. La publication d’un article sur la Théorie DIBY sur la Semence dans le journal Fraternité Matin pour sensibiliser davantage sur leur importance ;

2. La distribution de semences certifiées par le Ministère en charge de l’Agriculture ;

3. L’adoption d’une nouvelle ordonnance sur les organisations apolitiques de la société civile pour renforcer la mobilisation régionale autour de ces enjeux.

4. Une communication par l’ANASEMCI, membre de l’Organisation Mondiale des Agriculteurs (OMA) lors d’une réunion du comité agricole de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur le transfert de technologie.

5. Une sollicitation auprès du Ministère en charge de l’Intérieur pour évaluer l’impact des semences ;

Ces initiatives visent à renforcer la prise de conscience collective sur le rôle crucial des semences dans le développement agricole et économique du pays.

12 – Vous avez également rencontré les enseignants et chercheurs de l’UFR de Biosciences à l’université Félix Houphouët-Boigny de Cocody ainsi que les étudiants de cette université pour discuter des semences. À quel besoin répondent ces rencontres avec le monde universitaire ?

C’est à l’Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY pour un hommage au Père fondateur. Le processus de par son importance a vu l’engagement de trois présidents de l’Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY (UFHB) avec la collaboration de l’Association Nationale des Semenciers de Côte d’Ivoire (ANASEMCI) :

· Professeur BAKAYOKO-LY Ramata, Présidente, a signé le 27 mai 2014, un accord-cadre de coopération entre l’UFHB et l’Association Régionale des Semenciers des Lagunes de Côte d’Ivoire (ARLASEMCI), membre fondatrice de l’ANASEMCI ;

· Professeur KARAMOKO Abou, Président, a établi le 27 novembre 2020, la décision N° 20.172 créant et organisant le Master Professionnel en Industrie des Semences au sein de l’Unité de Formation et de Recherche BIOSCIENCE (BIOS) de l’UFHB ;

· Professeur BALLO Zié, Président, a pris la décision N° 22.080 le 22 juillet 2022 pour nommer les membres du comité de pilotage du Master Professionnel en Industrie des Semences à l’UFR BIOSCIENCES.

La mobilisation et la motivation des acteurs de l’UFHB, de l’ANASEMCI et des étudiants sont cruciales, car le Master Professionnel en Industrie des Semences revêt une importance historique, académique, scientifique, économique, sociale, environnementale, culturelle et familiale avec un effet pyramide contribuant ainsi à un nouvel essor pour la Côte d’Ivoire.

Étant donné que ce master professionnel est en place, la responsabilité d’assurer l’employabilité des futurs diplômés incombe à l’ANASEMCI. C’est pourquoi nous organisons des Campagnes Nationales Annuelles d’Information et de Sensibilisation sur l’importance et l’impact des semences pour transformer le secteur agricole et rural ainsi que l’économie nationale, afin de faciliter l’insertion professionnelle des diplômés.

Nous avons également sollicité le soutien de partenaires nationaux et internationaux pour cette action et l’élargir à d’autres universités si possible. L’industrie semencière implique divers aspects légaux, ce qui souligne la nécessité d’achever et d’adopter un cadre réglementaire, institutionnel et juridique favorable à l’émergence d’un marché des semences avec une pluralité d’acteurs.


13 – Votre mot pour mettre fin à cet entretien.

L’agriculture a été le moteur du premier boom économique de la Côte d’Ivoire, qui s’est déroulé de 1946 à 1960, suite à l’abolition des travaux forcés. Ce fut suivi d’un deuxième boom et du premier miracle économique entre 1960 et 1982, avant que le pays ne soit submergé par une lourde dette. Grâce à l’annulation de cette dette en 2012, la Côte d’Ivoire a connu un troisième boom et va vers son deuxième miracle économique.

Nous souhaitons mobiliser tous les anciens pour soutenir les Campagnes Nationales Annuelles d’Information et de Sensibilisation sur l’importance et l’impact des semences dans la transformation du secteur agricole et rural ainsi que de l’économie nationale. L’objectif est de modéliser l’investissement afin d’obtenir des résultats bénéfiques pour tous.

Nous rendons hommage à tout le peuple ivoirien ainsi qu’à nos disparus, en particulier à Feu le Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, le Père fondateur ; à Feu le Président Henri Konan BÉDIÉ ; à Feu le Président Robert GUÉÏ; au Président Laurent GBAGBO ; au Président Alassane OUATTARA ; et à Feu le Ministre DIBY Koffi Charles, reconnu comme l’un des acteurs majeurs de la réémergence de la Côte d’Ivoire.

Le prochain défi mondial sera celui de l’alimentation. Un Homme qui a faim, n’est pas libre. Nous avons la capacité et le devoir de réaliser ensemble la souveraineté alimentaire.

Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire et son Peuple, Paix et Merci.

Par Charles KOUASSI avec la collaboration de Hyacinthe KOUAKOU

Monsieur AZI LÉOPOLD DIBY

Chevalier de l’Ordre National ; Exploitant Agroforestier et Eleveur ; Professionnel Expert Semencier ; Auteur de la Théorie DIBY sur la Semence ; Administrateur d’une Task-Force Agriculture et Développement Rural (BEERA) ; Président de l’Association Nationale des Semenciers de Côte d’Ivoire (ANASEMCI) ; Président de la Plateforme d’Action Nationale pour l’Agriculture Familiale de Côte d’Ivoire (PANAFCI) ; Vice-Président du Réseau Formation Agricole et Rurale de Côte d’Ivoire (Réseau FAR-CI) ; Administrateur de l’Association Nationale des Organisations Professionnelles Agricoles de Côte d’Ivoire (ANOPACI)

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