Livre -Djaïli Amadou Amal: « Pourquoi, je suis féministe »
La 9ᵉ édition de « Afterwork Toast et Littérature », organisée par l’association Actives en partenariat avec la Régie Pulaarku, s’est tenue le vendredi 6 décembre 2024 dans un hôtel d’Abidjan-Cocody, Angré. L’événement avait pour thème le roman Le Harem du Roi de Djaïli Amadou Amal, une écrivaine renommée, qui a partagé son point de vue sur le féminisme et les raisons qui l’ont menée à s’engager dans ce combat.
Née en 1975 à Maroua, dans le nord du Cameroun, Djaïli Amadou Amal a profité de cette rencontre littéraire pour expliquer pourquoi, elle est devenue féministe.
Pourquoi, je suis féministe
« Pour écrire, il a fallu d’abord d’être en colère pour dire non. J’ai eu mes premiers prétendants à dix ans. Les prétendants ont commencé à venir demander ma main chez mes parents quand j’avais douze ans. À quatorze ans, on m’a fiancée. Ce mariage aurait dû avoir lieu en ce moment-là, heureusement que ce fameux fiancé n’était pas sur place. J’ai continué à aller au collège et j’ai eu mon Bepc. Et un jour, comme mes camarades de classe, je suis allée au défi de la fête nationale, le 20 mai (…) Quand je suis rentrée, plusieurs autorités administratives sont venues demander ma main. Parmi elles, il y avait le maire de la commune, un homme polygame et âgé de plus de 55ans. Il avait des enfants plus âgés que moi, je ne voulais pas le voir. On m’a obligée de le voir et pour ne pas le voir, j’ai enlevé mes lunettes. Sans mes lunettes, je ne vois rien. Donc, je ne l‘ai pas vu. La deuxième fois où je le voyais, c’était le soir de noces (…) Ce mariage forcé m’a complètement brisée. J’ai eu toutes les formes de maladies psychosomatiques: la dépression, la boulimie ensuite l’anorexie (…) Des tentatives de fugue et des tentatives de suicide qui ne fonctionnaient pas. (…) Un jour, dans un instinct de survie, je tombe sur un agenda et je prends un stylo et je me mets à écrire. Ce n’était pas prémédité. Je ne savais pas à ce moment que j’allais écrire un roman. J’ai commencé à écrire et quand j’ai levé la tête, j’avais vomi sur le papier toute la haine, toute la colère, tout le ressentiment que j’avais. Et je me suis sentie bien. Dans un instinct de survie, c’est ce qu’on appelle écriture thérapeutique. Entre écrire et publier et écrire pour guérir, il y a un grand pas (…) j’ai deux filles et je me suis dit si je ne fais rien, elles vont aller en mariage à treize ou quatorze ans parce que je n’ai pas droit à la parole. Et je suis partie de la maison et j’ai publié mon premier roman pour me sauver et sauver des vies, des filles», a expliqué Djaïli Amadou Amal pour son premier roman ‘’Walaande, l’art de partager un mari’’ sorti en 2010.
Critique littéraire
Le Harem du Roi, publié en 2024, est le dernier ouvrage de Djaïli Amadou Amal. Ce roman explore une histoire d’amour tout en abordant les tabous liés à la polygamie et au mariage forcé. Cette œuvre a été au centre des discussions lors de la 9ᵉ édition de « Afterwork Toast et Littérature ».
Lors de l’événement, l’ouvrage a fait l’objet d’une critique approfondie par Alain Tailly, critique littéraire, et Valentin Zahui, sociologue. Ces derniers ont reproché au roman de manquer de précision dans sa contextualisation temporelle et spatiale. Ils ont également formulé des critiques à l’égard des personnages, ce qui n’a pas été du goût de l’auteure. La discussion, animée et parfois tendue, a donné lieu à un débat houleux entre les intervenants et Djaïli Amadou Amal.
‘’Walaande, l’art de partager un mari’’, Munyal, les larmes de la patience ou Les Impatientes, Mistiriijo, la mangeuse d’âmes, ‘’Le harem du Roi’’ sont les œuvres de cette féministe camerounaise qui se bat pour les droits des femmes.
Karidjata Diallo, présidente de l’association Actives, s’est réjouie du succès de cet Afterwork Toast et Littérature. Elle a souligné que l’objectif principal de cet événement est de stimuler le débat autour des questions de société, y compris celles considérées comme les plus taboues, à travers l’analyse d’œuvres littéraires.
Mamadou Ouattara