Chronique- DE LA FESSÉE AU…… PLACEMENT DES ENFANTS : FOCUS SUR LE DISPOSITIF D’ACCOMPAGNEMENT AU PLACEMENT À DOMICILE (DAPAD)
De la fessée au placement des enfants, il n’y a souvent qu’un pas, une insignifiante enjambée qui bouleverse néanmoins toute la cellule familiale
Dans sa chronique juridique du mois d’Octobre Maître Léa N’GUESSAN évoquera les conséquences juridiques de ce problème sociétal, qui s’est considérablement accru ces dernières années. Et ce, alors même que le législateur interdit désormais toute violence éducative ordinaire.
William et Julien sont deux enfants très turbulents malgré l’éducation stricte de leurs parents. Ces parents leur infligent régulièrement des punitions assez sévères. Il s’agit surtout de la mère qui assène des coups de bâton et de ceinture à ses enfants lorsqu’ils commettent des bêtises à la maison.
William au Collège, entraîné par le phénomène de groupe, a dérobé la casquette de marque d’un élève afin de lui faire une blague. Ce dernier s’est plaint à la CPE. Contrariée, elle a alors menacé de convoquer les parents de William en raison de ses agissements.
Le pré-ado apeuré a indiqué que ses parents allaient « le tuer » et s’est mis à pleurer. Intriguée par la peur irradiant le visage de William, elle diligente un interrogatoire sur l’environnement familial notamment avec l’aide de l’assistante sociale.
Les enfants entendus par la suite au Commissariat confirment être victimes régulièrement de coups de ceinture surtout de leur mère. Les parents sont également entendus en Garde à Vue. Un signalement est fait auprès du Procureur de la République. Le Parquet ordonne le placement provisoire des enfants auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance.
Les parents sont autorisés à rendre visite et apporter des affaires (vêtements et chaussures) aux enfants en présence des travailleurs sociaux.
Dans la foulée, les parents des deux garçons sont convoqués devant le Juge des Enfants afin d’envisager les suites à donner à cette situation.
Quelles mesures peuvent être prises par le Juge des enfants ?
Textes applicables
Article 371-1 alinéa 3 du Code civil :
« L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »
Article 375 du Code civil :
« Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s’assure que la situation du mineur entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel.
Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale.
La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée.
Cependant, lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l’état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l’exercice de leur responsabilité parentale, une mesure d’accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée pour une durée supérieure, afin de permettre à l’enfant de bénéficier d’une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu’il est adapté à ses besoins immédiats et à venir.
Un rapport concernant la situation de l’enfant doit être transmis annuellement, ou tous les six mois pour les enfants de moins de deux ans, au juge des enfants. Ce rapport comprend notamment un bilan pédiatrique, psychique et social de l’enfant. »
Article 375-3 3°du Code civil
« Si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier :
3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ; »
Quelle est la procédure menant au DAPAD ?
Le signalement au Procureur est précédé de l’audition des parents et des enfants. Elle se fait séparément pour éviter qu’il n’y ait une intimation quelconque de nature à empêcher les enfants de s’exprimer librement.
Une fois le Procureur averti, il prend rapidement une décision en raison du caractère d’urgence.
Dans les cas les moins graves, un stage de responsabilité parentale peut être imposé aux parents. Ces derniers en assument les frais.
Placement éventuel des enfants et saisine rapide du Juge des enfants
Face à une situation mettant en danger l’équilibre physique et/ou psychologique des enfants, il faut réagir vite. C’est pourquoi un placement éventuel provisoire peut être ordonné. Parallèlement, une ou plusieurs enquêtes sociales sont mises en œuvre. Un rapport concernant l’évolution des enfants au sein du foyer est également rédigé. La structure d’accueil est invitée à formuler des recommandations sur la ou les mesure (s) appropriées étant précisé que le pouvoir décisionnel revient au Juge des Enfants.
Le Juge des Enfants siégeant au sein du Tribunal Pour Enfants (TPE) peut décider qu’un retour au domicile familial est envisageable afin de recréer le lien familial. C’est le cas notamment parce que les parents réalisent la gravité des violences physiques et/ou psychologiques. Dans ce cas, il prononce un placement assorti du DAPAD (DISPOSITIF D’ACCOMPAGNEMENT AU PLACEMENT À DOMICILE). En d’autres termes, les enfants placés juridiquement sont toutefois autorisés à revenir au domicile familial sous réserve d’un suivi régulier par des travailleurs sociaux. Les parents bénéficient donc d’un droit de visite et d’hébergement continu et continuent à percevoir les prestations sociales.
Caractéristiques principales du DAPAD
Aide à domicile prévue pour les familles en difficulté et permettant aux parents dans le cadre de la protection à l’enfance, de bénéficier de mesures en vue d’améliorer la relation parents/enfants.
Public concerné par le DAPAD : père et/ou mère rencontrant des difficultés avec leurs enfants, femme enceinte confrontée à des difficultés médicales, sociales ou financières et dont la santé ou celle de son enfant l’exige, personne qui a la charge d’un enfant, mineur émancipé ou majeur âgé de moins de 21 ans confronté à de graves difficultés sociales
Durée limitée (un an) mais possibilité de renouvellement si besoin
Attention :
L’assistance d’un avocat est fortement recommandée
Il est conseillé de prendre attache avec un Conseil dès le début du signalement afin d’affiner une stratégie de défense et atténuer les conséquences qui pourraient en résulter.
Un avocat est désigné pour assurer la défense du ou des enfants concerné(s) par la procédure.
Maître Léa N’GUESSAN
Avocate au barreau de Paris
LNGUESSANAVOCAT@GMAIL.COM