Cour des comptes : et si le gouvernement n’avait rien à cacher
Rapport de la Cour des comptes 2022 : et si le gouvernement n’avait rien à cacher ? Mais alors quel est le problème ? S’agit-il vraiment d’une absence de coordination entre les différents services concernés par la question des droits de timbres sur les passeports et les CNI ?
Les questions soulevées par le rapport n°25/2023 de la Cour des Comptes portant sur l’exécution de la loi de finances en vue du règlement du budget de l’année 2022, conduisent à des éclairages permettant de dire que l’État en réalité n’a rien à cacher. Explications !
Contexte
Il est bon de rappeler que les principaux points de débats de ce rapport portent sur :
– le niveau de recouvrement des droits perçus sur cartes nationales d’identité (CNI) et passeports établis en Côte d’Ivoire ;
– la cohérence des données se rapportant aux dépenses de personnel inscrites dans la loi de règlement et le Compte Général de l’Administration des Finances (CGAF) ;
– la non-exécution de projets financés sur dons, pour un montant de 34,2 milliards FCFA ;
– le respect du taux de modification de 1% des crédits ouverts par la loi de finances.
Éléments d’explication sur les timbres de passeport
Concernant les droits perçus sur les CNI et les passeports, L’intelligent d’Abidjan ( L’IA) constate que cette question retracée dans le rapport de la Cour des Comptes au titre du Ministre du Budget (à la vérité, il ne s’agit pas des services du Ministère du Budget), n’est pas une question budgétaire. Elle se rapporte plutôt à des opérations de Trésorerie. L’auditeur de la Cour des Comptes, exploitant le CGAF produit par la Direction Générale du Trésor, a relevé la modicité des droits perçus (moins de 800.000 FCFA). En réponse, les services du Trésor ont fait observer que les recouvrements afférents aux émissions des documents administratifs sont désormais du ressort de SNEDAI et de l’ONECI.
Le fait que cette réaction n’ait pas eu l’assentiment de l’auditeur de la Cour des Comptes, a semé un doute au sein de l’opinion publique. L’auditeur, selon notre source, aurait pu organiser une séance de travail avec les acteurs concernés (SNEDAI, ONECI, DGI,…) pour éclaircir le point. Il a plutôt fait un commentaire de quasi-réfutation de la réponse servie. De leurs côtés, les différents services concernés auraient pu échanger leurs réponses sur la question, pour anticiper et pour empêcher la confusion survenue, plus tard. En effet, l’on voit que les impôts et le trésor n’ont pas collaboré ni échangé les informations, comme c’est le cas depuis peu.
L’argent reversé à l’État
Les sommes reversées au titre des droits sur les émissions de passeports et de cartes d’identité sont retracées dans la rubrique « Droits d’enregistrement et de timbre ». Ces droits d’enregistrement et de timbre ressortent à 136,3 milliards FCFA en 2022. Le libellé du compte 71613 « Droits perçus sur cartes nationales d’identité et passeports délivrés en Côte d’Ivoire » de la balance générale du Trésor, qui se rapporte aux sommes encaissées au titre des visas émis à l’aéroport, a induit une confusion dans l’esprit de l’auditeur de la Cour des Comptes. La réponse pas suffisamment adaptée, proposée par les services du Trésor, n’a pas contribué à dissiper le malentendu. Cette incompréhension aurait pu être levée simplement à travers une séance de travail entre services.
Il apparaît , à ce jour , que de 2019 à 2022, plus de 3 milliards Fcfa ont été reversés à l’État via les impôts.
Comment l’impression d’irrégularités, la confusion ou même de détournement a pu exister
Selon les usages et pratiques, la balance du Trésor public est établie à partir des Comptes produits par chaque Trésorier public. Il se trouve que le Trésor public n’a plus un Trésorier assigné au suivi des droits sur passeports depuis que cette activité est concédée. Ainsi, les droits de timbre ne sont retracés de façon explicite dans la balance du Trésorier. Celui-ci intègre les dits droits de timbres des passeports dans tous les autres droits d’enregistrement et de timbres collectés par les impôts, puis reversés au Trésor.
La requête de la Cour des Comptes a porté sur un élément composant les droits de timbres. C’est celui qui les suit au quotidien qui sait y répondre de façon précise. Et ce sont les impôts. Ces droits de timbres font 136 milliards Fcfa , ce que mentionne le rapport de la Cour des Comptes d’ailleurs. Est-ce possible que le Trésorier en charge du suivi des émissions de visas à l’aéroport , ait pu induire à une confusion dans l’esprit de la cour des Comptes en disant « Droits perçus sur passeports » au lieu de « frais de visa » par exemple ?
Dépenses de personnel et charges du personnel
S’agissant de la cohérence des données sur les dépenses de personnel, l’auditeur de la Cour des Comptes a noté que celles retracées dans la loi de règlement diffèrent de celles inscrites dans le CGAF. Selon des explications recueillies par l’IA, cette différence résulte du périmètre couvert dans chacun de ces documents. « Le CGAF prend en compte les ″charges de personnel″, qui contiennent notamment les baux administratifs des logements de fonction, à la différence des ″Dépenses de personnel″ mentionnées dans la Loi de règlement qui se limitent aux éléments de rémunération du personnel. », a appris l’IA.
Affaire d’absence de début d’exécution pour des projets de 34,2 milliards FCFA
Au niveau des projets financés sur dons, l’auditeur de la Cour des Comptes relève que 14 projets, d’un montant total de 34,2 milliards FCFA, n’auraient pas connu un début d’exécution. Sur ce point, les informaticiens recueillies font savoir que la non-exécution évoquée est appréciée d’un point de vue budgétaire. « En effet, en l’absence de pièces justificatives, les services du Budget ne peuvent pas retracer « comptablement »
les interventions des bailleurs de fonds qui préfèrent faire parvenir leurs appuis directement aux bénéficiaires finaux », a confié notre source qui fait savoir qu’en tout état de cause, la Cour des Comptes avait pris acte des explications servies. « Nonobstant ce fait, ce point est exploité politiquement pour faire croire à l’évaporation de 34,2 milliards FCFA des caisses de l’État, alors qu’il n’en est rien », a-t-elle ensuite déploré.
Taux de modification du budget
Pour le taux de modification du budget qui ne devrait pas excéder 1%, cette norme résulte d’une Directive communautaire de 2009 qui, face à plusieurs dérapages budgétaires notés dans la sous-région et sous l’impulsion des Institutions de Bretton Woods, avait adopté cette règle qui a été transposée dans la Loi organique portant loi de finances en 2014.
« Si le principe de la limitation du niveau de modification budgétaire est pertinent pour ne pas nuire à l’optimalité de la dépense publique, le taux fixé n’est pas en ligne avec les réalités des pays en développement dont, bien souvent, les recettes d’exportation ne dépendent que de quelques produits et, partant, apparaissent plus vulnérables. Ces pays ne peuvent se permettre d’avoir un taux de modification budgétaire très faible à l’instar des pays occidentaux, eu égard à l’ampleur de leurs besoins. Sur les quinze dernières années, la Côte d’Ivoire affiche un taux moyen de modification de son budget de 5%. Ce taux a excédé 10% en 2020 du fait de la COVID-19 et a avoisiné les 10% en 2022, du fait de l’impact de la crise russo-ukrainienne. Les dispositions ont été prises pour amender la Loi organique portant loi de finances sur ce point. », a appris l’IA de la même source.
Sur un autre plan, des explications font savoir que cette Loi organique comporte des dispositions indiquant que l’instrument juridique de modification budgétaire devrait être le décret plutôt que l’arrêté ministériel. À l’expérience, cette disposition se serait révélée peu pratique, car le nombre d’actes de modification budgétaire avoisine le millier (1.000). « Envisager d’effectuer un tel nombre d’actes par décret, après examen par le Conseil des Ministres, conduirait purement et simplement à la paralysie de l’Administration », fait savoir notre interlocuteur.
Même si certaines formulations du rapport de la Cour des Comptes offrent l’opportunité d’être exploitées à des fins de manipulation contre le
Gouvernement, il y’a lieu de noter que la Cour des comptes a affirmé que les recommandations qu’elle a faites, n’empêchent pas de dire que le gouvernement a exécuté conformément aux lois et règlements le budget.
Monter au créneau pour expliquer
Tel que précisé plus haut, l’on voit qu’en réalité le gouvernement n’a rien à cacher, qu’il peut afficher la transparence sur le fond des questions soulevées, au delà des anomalies de forme. À cet effet, les ministres concernés devraient de plus en plus monter au créneau pour faire savoir cette réalité : il n’y a rien à se reprocher . Autrement la confusion et la rumeur auront encore droit de cité, jetant un trouble inutile au sein des populations.
Charles Kouassi