Retour des élèves dans leurs familles après leur passage au centre civique de Bimbresso – Des acteurs politiques et de la société civile prennent position
Suite à des troubles dans des établissements scolaires au cours du mois de décembre 2021 pour exiger leur départ anticipé en congé de Noël, les élèves interpellés par les forces de l’ordre et transférés au centre du service civique de Bimbresso ont repris le chemin de l’école, le lundi 03 janvier 2022.
Après avoir passé deux semaines dans ce centre du service civique, les élèves réfractaires, au nombre de 70, ont regagné leurs domiciles et établissements respectifs. Bimbresso est-il la solution pour lutter contre les congés anticipés ? Plusieurs acteurs se prononcent sur la question .
Pour Félix Akoto, député Pdci , le mal est profond et il faut le soigner à la racine
« Le comportement de nos enfants nous inquiète tous. Les parents d’élèves, les encadreurs, l’État doivent prendre leur responsabilité vis-à-vis du comportement de nos enfants. Chacun a sa part de responsabilité. Le mal est profond, il faut le soigner à la racine et redorer le blason de l’école ivoirienne en instaurant la morale, l’éthique et le civisme. L’État a pris une résolution de manière rigoureuse, mais il faut aller plus loin pour empêcher ces genres de comportements qui n’honorent pas l’école ivoirienne, les familles. Je pense que ces enfants doivent être formés à l’éducation civique ou morale et à tout ce qui est respect aux autorités parentales, d’encadrement et d’État. Nous espérons qu’ils ont pris conscience et qu’ils ne vont pas récidiver. Mais il ne faut pas les maltraiter ou les radicaliser. Parce qu’au-delà de ces élèves, il y a d’autres enfants qui ont des comportements hors la loi, mais qui ne subissent pas la rigueur. Je pense que cela va servir de leçon aux autres. Il faut assainir le cadre éducatif en déguerpissant les bars, maquis et fumoirs autour des écoles. Il faut dire que l’État même a contribué à la prolifération des écoles boutiques. Il y a des encadreurs qui ne jouent pas leur rôle d’encadreur, cela fait qu’il n’y a plus de rigueur, d’autorité à l’école. Les parents d’élèves eux-mêmes ont démissionné parce qu’il n’y a pas de civisme », a-t-il déclaré .
Danièle Boni Claverie, présidente de l’Union pour la République et la Démocratie : « Il revient aux parents d’être des relais et non des abonnés absents à l’encadrement de leurs enfants »
Danièle Boni Claverie, présidente de l’Union pour la République et la Démocratie a soutenu qu’il revient aux parents d’être des relais et non des abonnés absents à l’encadrement de leurs enfants »
« Il est totalement incongru et inacceptable que des élèves puissent se permettre des actes de violence pour réclamer des congés de Noël anticipés. Il ne s’agit pas d’un acte isolé mais récurrent que le gouvernement ne peut laisser perdurer sous peine d’être accusé de faiblesse ou même d’incompétence. Je vous avoue ne pas être choquée par ce séjour disciplinaire de ces 70 élèves qui se sont retrouvés non dans un camp de redressement comme cela a été dit mais au camp du service civique de Bimbresso pour les resocialiser, leur redonner le sens de la discipline et leur apprendre des valeurs républicaines. Le fait de les voir rasés et rampant par terre a troublé nombre de nos compatriotes. Mais n’est-il pas plus désolant de voir nos enfants opposer un refus total au respect des aînés, à l’autorité, au respect dû à la chose publique », a-t-elle déclaré .
Danièle Boni Claverie dit avoir été rassurée par la présence du CNDH sur les lieux qui a pu ainsi vérifier si le droit des enfants était respecté et s’ils ne subissaient aucun sévice corporel. « La forme ne doit pas nous cacher le fond du problème : démission des parents, enseignement inadapté puisque l’Edhc, l’éducation aux droits de l’homme et à la citoyenneté s’avère inadéquate. Avant, on enseignait la morale aux élèves et cela leur donnait le sens des valeurs à défendre. Il revient, en effet, à l’éducation de mettre dans ses programmes le civisme, la discipline, le respect de l’autorité et des symboles de l’Etat et il revient aux parents d’être des relais et non des abonnés absents à l’encadrement de leurs enfants. Le désordre auquel on assiste aujourd’hui dans de nombreux établissements doit cesser. Ce sont en premier les parents qui doivent protéger l’enfant et assurer sa sécurité et sa moralité. Il sera alors du ressort de l’école de prendre en compte la socialisation des élèves pour leur apprendre des valeurs, des normes, des règles et des sanctions. La fermeté clairvoyante est une vertu ».
Kaba Sory, secrétaire général national de l’Organisation Syndicale des Enseignants du Primaire-Public de Côte d’Ivoire (Osepp-CI) : « ces enfants doivent être envoyés dans un centre de correction »
Selon Kaba Sory, secrétaire général national de l’Organisation Syndicale des Enseignants du Primaire-Public de Côte d’Ivoire (Osepp-CI), les parents d’élèves doivent jouer le rôle d’éducateur . Soulignant qu’il ne faut pas laisser l’éducation des enfants aux mains des maîtres ou professeurs
« Je suis d’avis avec les autorités parce que depuis ces derniers temps, malgré les sensibilisations des parents d’élèves, les interpellations, la situation des violences en milieu scolaire prend une dimension assez importante. Il faut faire peur à ces enfants parce qu’il y a beaucoup de voyous parmi eux . Ces enfants n’ont peur de rien. Si nous laissons cet incivisme prendre le dessus, mais quelle serait la responsabilité parentale ? Voilà pourquoi ces enfants doivent être envoyés dans un centre de correction. Quand ils seront corrigés correctement, ils vont passer le message à leurs camarades et dans les années à venir, les violences vont s’arrêter progressivement. Pour mettre fin à ces violences, nous allons continuer la sensibilisation. Aussi, il faut responsabiliser chaque parent d’élève parce que chaque parent doit jouer son rôle d’éducateur. Il ne faut pas laisser l’éducation des enfants aux mains des maîtres ou professeurs ».
Kebe Mamadou, député Rhdp de Sago-Dakpadou « Il faut qu’il y ait une bonne prise de conscience des élèves »
Kebe Mamadou, député Rhdp de Sago-Dakpadou a souhaité qu’il y ait une bonne prise de conscience des élèves. Il estime que Bimbresso n’était pas la solution pour mettre fin aux congés anticipés
« Bimbresso n’était pas la solution pour mettre fin aux congés anticipés, mais il était aussi important que les élèves réfractaires soient éduqués au civisme. Ce qu’il faut retenir, quand quelqu’un est indiscipliné, on ne le sort pas du système, on essaie de le réorganiser et on le remet dans le système. Cela peut être un début de solution parce que si tout le monde comprend pourquoi il va à l’école, et comprend que l’école est un bien qui doit participer au développement de tout le pays, il y a des comportements qu’on va arrêter d’avoir. C’est vrai que d’aucuns accusent des parents d’avoir abandonné les enfants, mais déjà, il faut qu’il y ait une bonne prise de conscience des élèves. Il faut qu’ils sachent qu’aller à l’école, c’est pour eux. Quand ils vont à l’école, c’est pour avoir une bonne éducation et une certaine conduite vis-à-vis des autres et savoir que sa liberté ne peut pas aller au-delà des principes qui ont été établis dans la société ».
Pulchérie Gbalet, présidente d’Alternative Citoyenne Ivoirienne (Aci) : « Arrêtons de déplacer les problèmes par des décisions folkloriques »
Pulchérie Gbalet, présidente d’Alternative Citoyenne Ivoirienne (Aci), organisation de la société civile a fait savoir que l’école a été détruite par la surpression de l’autorité des enseignants et des éducateurs :
« Il faut traiter le problème des congés anticipés à la racine. La discipline à l’école a été détruite par la surpression de l’autorité des enseignants et des éducateurs. On a donc éduqué les enfants à l’anarchie et à l’incivisme. Il faut les rééduquer à la discipline en restaurant l’autorité des enseignants et des éducateurs. Bimbresso n’est pas la solution, car la transformation doit se faire en profondeur au niveau de la conscience des élèves. Les élèves doivent comprendre et cultiver le civisme. Si on veut faire passer tous les auteurs de congés anticipés à Bimbresso, non seulement, on sera débordés, mais les résultats ne sont pas évidents. Arrêtons de déplacer les problèmes par des décisions folkloriques ».
Paul Arnaud Bohui, Bohui, 1er vice-président de l’Union des Nouvelles Générations : « La solution, ce n’est pas de les envoyer à Bimbresso »
Paul Arnaud Bohui, Bohui, 1er vice-président de l’Union des Nouvelles Générations, membre du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPa-CI) a fait remarquer que c’est un phénomène mondial :
« C’est une solution pour le gouvernement, mais le phénomène des enfants n’est pas aujourd’hui maîtrisable. C’est un phénomène mondial. En Côte d’Ivoire, les élèves voudraient mettre fin brutalement au processus scolaire pour aller en congés, c’est une forme d’éducation ratée. En France ou aux États-Unis, vous verrez des enfants qui prennent des pistolets contre leurs parents ou leurs amis élèves. C’est une forme aussi d’éducation ratée. Je pense que l’éducation de nos enfants à travers le monde entier, pose un véritable problème. La solution, ce n’est pas de les envoyer à Bimbresso, mais il faut véritablement poser le problème et apporter un diagnostic qui soit national ou mondial. C’est un problème relativement à l’éducation que nos enfants reçoivent depuis la maison, la rue et l’école. Il faut des assises nationales autour de la question de l’école de façon particulière et autour de nos enfants de façon générale. Par exemple, au niveau des assises autour de l’école, il faut pouvoir trier les enfants à partir du parcours scolaire pour que ceux qui ont la capacité d’aller plus loin continuent. Et que, ceux qui n’ont pas la capacité plus loin puissent être orientés dans des centres de formation », a-t-il souligné .
Touré Abdoulaye avec A. Traoré