Politique

Anne Gnahouret Tatret, secrétaire nationale de l’OFFPI : “Suite aux événements du 18 février 92, j’ai rencontré Affi N’guessan via Boga Doudou”

L’Ambassadeur Anne Gnahouret Tatret est vice-présidente du Front populaire ivoirien (FPI) présidé par Pascal Affi N’guessan, chargée de la région du Lôh-Djiboua 1, qui renferme tout le département de Lakota, selon le découpage interne du FPI. Cette militante du FPI a vécu la journée du 18 février 1992, qui a vu l’arrestation de Laurent Gbagbo, de sa famille et de certains membres de la direction du FPI. 29 ans après, elle évoque des souvenirs de cette date et les jours qui ont suivi le 18 février 1992.

« Le 18 février 1992 me rappelle des souvenirs lointains de 29 ans. Je peux dire que j’étais témoin, parce que j’étais dans la marche. Elle est partie d’Adjamé, devant la mairie. Ce jour-là, c’étaient les retrouvailles, la joie. Il y avait vraiment une bonne ambiance. On n’était loin de s’imaginer que quelque chose nous attendait devant. Je travaillais à la Cité administrative, j’ai déposé mon sac au bureau et à pied, j’ai rejoint les camarades. C’est devant moi que la marche a commencé, sans bagarres, avec la comédie, la musique et nos principaux responsables devant nous. Mais, ce jour-là aussi, il y avait, au palais du tribunal d’Abidjan qui n’est pas loin, le procès de Martial Ahipeau, à la suite de ce qui s’est passé avec la FESCI à la cité universitaire de Yopougon. La veille (17 février 1992, ndlr), le tracé de notre marche avait été arrêté avec les responsables du ministère de l’Intérieur chargé de la Sécurité et on suivait tout bonnement l’itinéraire qui nous avait été indiqué jusqu’à l’immeuble Soghefia. On ne sait pas ce qui s’est passé, brusquement on a entendu des bombes lacrymogènes. C’était vraiment la débandade. Un moment donné, on a vu du feu, des flammes, de la fumée partout. C’était vraiment le sauve-qui-peut. Chacun n’a pas cherché à savoir ce qui se passait, tout le monde a pris ses jambes à son coup. Moi-même j’ai dû chercher à me mettre à l’abri et c’est le soir que nous avons appris qu’on a arrêté le secrétaire général, à l’époque, le président Laurent Gbagbo. Toute la direction du Front populaire ivoirien avait été arrêtée. Par la suite nous avons appris que le véhicule de fonction du secrétaire général avait été incendié, Mme Gbagbo avait été traînée au Commandement supérieur de la gendarmerie nationale, où elle avait été torturée, les autres avaient été emmenés à Agban. Toute la famille Gbagbo avait été arrêtée, puisque Michel, leur fils était parmi ceux qui avaient été arrêtés. Quand on a cherché à nous mettre à l’abri, Me Boga Doudou qui était l’avocat du parti et qui était au palais de justice pour défendre les dossiers des détenus qu’on jugeait, était le seul rescapé. Par la suite, on a appris que Aboudramane Sangaré, qui était membre de la direction du FPI a été épargné. Me Boga Doudou a tout fait pour me retrouver. Il m’a indiqué un endroit où je devais le prendre et nous avons fait ensemble toutes les courses qu’il avait à faire au niveau du parti. Je lui ai servi de chauffeur, parce qu’à l’époque j’avais une voiture de service et comme toute la ville d’Abidjan était bouclée, seules les voitures de service qu’on appelle les voitures « D » (véhicule de l’administration, ndlr), pouvaient circuler facilement. J’étais le chauffeur de Me Boga. On a fait le tour, on est allé dans un quartier pour retrouver Sangaré. Pour finir, j’ai déposé Boga Doudou quelque part et il m’a dit :  » Je vais t’envoyer en Zone 4, mais le mot que je vais te remettre, ne le remet à personne d’autre sauf au destinataire ». Il m’a donc remis un message sous pli, je ne sais pas ce qu’il y avait à l’intérieur, il n’a pas écrit le nom du destinataire sur l’enveloppe. Il fallait prendre toutes les dispositions pour ne pas se faire arrêter, mais il m’a dit le nom du destinataire. Il m’a dit : « Si tu arrives à l’École des PTT, en Zone 4, demande à voir M. Affi N’guessan ». Pour dire vrai, je ne le connaissais pas, mais Boga Doudou m’avait dit son nom et je l’ai retenu. Quand je suis arrivée, le gardien m’a laissée entrer et m’a demandé qui je voulais voir. Je lui ai dit Affi N’guessan. On m’a installée dans la salle d’attente, on m’a donné un bout de papier que j’ai renseigné comme si c’était une audience. Un moment, je vois dans la salle d’attente quelqu’un qui me trouve et simplement me demande qui je veux voir. J’ai dit le nom. « -Vous le connaissez ?
-Non, je ne le connais pas, je l’ai jamais vu ». Puis il est retourné. Quelques temps après, la même personne revient : « -Qui vous a envoyée?
-C’est Me Boga qui m’a envoyée.
-Comment vous connaissez Me Boga ?
-Nous sommes de la même région, Lakota.
-Et après, comment vous le connaissez ?
-Je l’ai connu au FPI.
-Vous-même vous militez où? Au Front populaire ivoirien?
-Oui.
-Dans quelle base ?
-Je milite aux Deux-Plateaux, dans la fédération que dirige Jean-Baptiste Gaumont Diagou, à Cocody ». Il est reparti. Il est revenu la troisième fois avec d’autres questions :
« – Vous militez à Cocody, mais et après ?
-Je milite à Cocody, c’est vrai, mais je suis membre de la coordination du département de Lakota. C’est comme ça que Boga et moi sommes très proches. D’ailleurs, lui et moi sommes du même canton. Boga sait que j’ai une voiture « D », j’ai fait des courses avec lui et quand on a fini, il m’a dit de venir voir Affi N’guessan pour lui remettre un mot.
-Où est ce mot ? ». C’est à ce moment que j’ai su que c’était Affi N’guessan qui était en face de moi. Peut-être qu’il a appelé Boga, je ne sais pas, parce qu’à l’époque, il n’y avait pas de téléphone portable. Il a certainement échangé avec Boga Doudou, après « l’interrogatooire » auquel il m’a soumise, pour s’assurer qu’effectivement, il m’avait envoyée. Quand Il est revenu, il m’a dit : « C’est moi ». Alors j’ai ouvert mon sac et je lui ai remis l’enveloppe. Il est retourné à son bureau, il est revenu avec une enveloppe fermée, sûrement une réponse à Boga Doudou. C’est comme ça que j’ai croisé pour la première fois Affi N’guessan Pascal, qui deviendra plus tard le Premier ministre de Gbagbo Laurent et plus tard aussi, le président du Front populaire ivoirien.

Olivier Dion

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